jours. Sa femme, depuis comtesse de Toulouse, fut à l’agonie. Cette maladie parcourut toute la France. Elle fit périr en Lorraine les aînés de ce duc de Lorraine, François, destiné à être un jour empereur, et à relever la maison d’Autriche.
Cependant ce fut assez qu’un médecin, nommé Boudin, homme de plaisir, hardi et ignorant, eût proféré ces paroles : « Nous n’entendons rien à de pareilles maladies ; » c’en fut assez, dis-je, pour que la calomnie n’eût point de frein.
Philippe, duc d’Orléans, neveu de Louis XIV, avait un laboratoire, et étudiait la chimie, ainsi que beaucoup d’autres arts : c’était une preuve sans réplique. Le cri public était affreux ; il faut en avoir été témoin pour le croire. Plusieurs écrits et quelques malheureuses histoires de Louis XIV éterniseraient les soupçons, si des hommes instruits ne prenaient soin de les détruire. J’ose dire que, frappé de tout temps de l’injustice des hommes, j’ai fait bien des recherches pour savoir la vérité. Voici ce que m’a répété plusieurs fois le marquis de Canillac[1] l’un des plus honnêtes hommes du royaume, intimement attaché à ce prince soupçonné, dont il eut depuis beaucoup à se plaindre. Le marquis de Canillac, au milieu de cette clameur publique, va le voir dans son palais. Il le trouve étendu à terre, versant des larmes, aliéné par le désespoir. Son chimiste, Homberg[2], court se rendre à la Bastille, pour se constituer prisonnier ; mais on n’avait point d’ordre de le recevoir ; ou le refuse. Le prince (qui le croirait ?) demande lui-même, dans l’excès de sa douleur, à être mis en prison ; il veut que des formes juridiques éclaircissent son innocence ; sa mère demande avec lui cette justification cruelle. La lettre de cachet s’expédie ; mais elle n’est point signée, et le marquis de Canillac, dans cette émotion d’esprit, conserva seul assez de sang-froid pour sentir les conséquences d’une démarche si désespérée. Il fit que la mère du prince s’opposa à cette lettre de cachet ignominieuse. Le monarque qui l’accordait, et son neveu, qui la demandait, étaient également malheureux[3].
- ↑ Le récit du récit du marquis de Canillac ne prouve ni de près ni de loin l’innocence du duc d’Orléans. (L.) — Ce fut pour cette note que La Beaumelle fut mis à la Bastille ; voyez dans le volume suivant l’Avertissement de Beuchot en tête du Supplément au Siècle de Louis XIV.
- ↑ Voltaire a écrit Humbert. Guillaume Homberg, né à Batavia, le 3 janvier 1652, mort le 24 septembre 1715, était de l’Académie des sciences, où Fontenelle a fait son Éloge, C’est du même Homberg que Voltaire parle dans ses lettres à Moussinot de juin et juillet 1737.
- ↑ L’auteur de la Vie du duc d’Orléans est le premier qui ait parlé de ces soupçons atroces : c’était un Jésuite nommé La Motte, le même qui prêcha à Rouen