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CHAPITRE XXX.

du grand Henri IV, lorsqu’on anéantit sa loi perpétuelle appelée l’Édit de Nantes ; ou enfin ce sont des officiers mécontents du ministère, des accusés qui ont échappé aux formes rigoureuses d’une justice quelquefois mal administrée, et c’est ce qui arrive dans tous les pays de la terre.

On s’est plaint de ne plus voir à la cour autant de hauteur dans les esprits qu’autrefois. Il n’y a plus en effet de petits tyrans, comme du temps de la Fronde, et sous Louis XIII, et dans les siècles précédents ; mais la véritable grandeur s’est retrouvée dans cette foule de noblesse, si longtemps avilie à servir auparavant des sujets trop puissants. On voit des gentilshommes, des citoyens qui se seraient crus honorés autrefois d’être domestiques de ces seigneurs, devenus leurs égaux, et très-souvent leurs supérieurs dans le service militaire ; et plus le service en tout genre prévaut sur les titres, plus un État est florissant.

On a comparé le siècle de Louis XIV à celui d’Auguste. Ce n’est pas que la puissance et les événements personnels soient comparables : Rome et Auguste étaient dix fois plus considérables dans le monde que Louis XIV et Paris ; mais il faut se souvenir qu’Athènes a été égale à l’empire romain dans toutes les choses qui ne firent pas leur prix de la force et de la puissance. Il faut encore songer que s’il n’y a rien aujourd’hui dans le monde tel que l’ancienne Rome et qu’Auguste, cependant toute l’Europe ensemble est très-supérieure à tout l’empire romain. Il n’y avait du temps d’Auguste qu’une seule nation, et il y en a aujourd’hui plusieurs, policées, guerrières, éclairées, qui possèdent des arts que les Grecs et les Romains ignorèrent ; et de ces nations il n’y en a aucune qui ait eu plus d’éclat en tout genre, depuis environ un siècle, que la nation formée, en quelque sorte, par Louis XIV.




CHAPITRE XXX.

FINANCES ET RÈGLEMENTS.


Si l’on compare l’administration de Colbert à toutes les administrations précédentes, la postérité chérira cet homme dont le peuple insensé voulut déchirer le corps après sa mort. Les Français lui doivent certainement leur industrie et leur commerce, et