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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/555

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DES SCIENCES.

duite : car ayant lui on n’avait point de fil dans ce labyrinthe, et du moins il en donna un, dont on se servit après qu’il se fut égaré. C’était beaucoup de détruire les chimères du péripatétisme, quoique par d’autres chimères. Ces deux fantômes se combattirent. Ils tombèrent l’un après l’autre, et la raison s’éleva enfin sur leurs ruines. Il y avait à Florence une académie d’expériences, sous le nom del Cimento, établie par le cardinal Léopold de Médicis vers l’an 1655. On sentait déjà, dans cette partie des arts, qu’on ne pouvait comprendre quelque chose du grand édifice de la nature qu’en l’examinant pièce à pièce. Cette académie, après les jours de Galilée, et dès le temps de Torricelli, rendit de grands services.

Quelques philosophes, en Angleterre, sous la sombre administration de Cromwell, s’assemblèrent pour chercher en paix des vérités, tandis que le fanatisme opprimait toute vérité. Charles II, rappelé sur le trône de ses ancêtres par le repentir et par l’inconstance de sa nation, donna des lettres patentes à cette académie naissante ; mais c’est tout ce que le gouvernement donna. La Société royale, ou plutôt la Société libre de Londres, travailla pour l’honneur de travailler. C’est de son sein que sortirent, de nos jours, les découvertes sur la lumière, sur le principe de la gravitation, sur l’aberration des étoiles fixes, sur la géométrie transcendante, et cent autres inventions qui pourraient à cet égard faire appeler ce siècle le siècle des Anglais aussi bien que celui de Louis XIV.

En 1666, M. Colbert, jaloux de cette nouvelle gloire, voulut que les Français la partageassent ; et, à la prière de quelques savants, il fit agréer à Louis XIV l’établissement d’une académie des sciences. Elle fut libre jusqu’en 1699, comme celle d’Angleterre et comme l’Académie française. Colbert attira d’Italie Dominique Cassini, Huygens, de Hollande, et Roëmer, de Danemark, par de fortes pensions. Roëmer détermina la vitesse des rayons solaires ; Huygens découvrit l’anneau et un des satellites de Saturne, et Cassini les quatre autres. On doit à Huygens, sinon la première invention des horloges à pendule, du moins les vrais principes de la régularité de leurs mouvements, principes qu’il déduisit d’une géométrie sublime[1]. On acquit peu à peu des connaissances de

  1. Huygens et Roëmer quittèrent la France lors de la révocation de l’édit de Nantes. On proposa, dit-on, à Huygens de rester ; mais il refusa, dédaignant de profiter d’une tolérance qui n’aurait été que pour lui. La liberté de penser est un droit, et il n’en voulait pas à titre de grâce. (K.)