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SUITE DES ARTS.

tenus aux frais du roi : ils y dessinent les antiques ; ils étudient Raphaël et Michel-Ange. C’est un noble hommage que rendit à Rome ancienne et nouvelle le désir de l’imiter ; et on n’a pas même cessé de rendre cet hommage depuis que les immenses collections de tableaux d’Italie amassées par le roi et par le duc d’Orléans, et les chefs-d’œuvre de sculpture que la France a produits, nous ont mis en état de ne point chercher ailleurs des maîtres.

C’est principalement dans la sculpture que nous avons excellé, et dans l’art de jeter en fonte d’un seul jet des figures équestres colossales.

Si l’on trouvait un jour, sous des ruines, des morceaux tels que les bains d’Apollon, exposés aux injures de l’air dans les bosquets de Versailles ; le tombeau du cardinal de Richelieu, trop peu montré au public, dans la chapelle de Sorbonne[1] ; la statue équestre de Louis XIV, faite à Paris pour décorer Bordeaux ; le Mercure dont Louis XV a fait présent au roi de Prusse, et tant d’autres ouvrages égaux à ceux que je cite, il est à croire que ces productions de nos jours seraient mises à côté de la plus belle antiquité grecque.

Nous avons égalé les anciens dans les médailles. Warin fut le premier qui tira cet art de la médiocrité sur la fin du règne de Louis XIII. C’est maintenant une chose admirable que ces poinçons et ces carrés qu’on voit rangés par ordre historique dans l’endroit de la galerie du Louvre occupé par les artistes[2]. Il y en a pour deux millions, et la plupart sont des chefs-d’œuvre.

On n’a pas moins réussi dans l’art de graver les pierres précieuses. Celui de multiplier les tableaux, de les éterniser par le moyen des planches en cuivre, de transmettre facilement à la postérité toutes les représentations de la nature et de l’art, était encore très-informe en France avant ce siècle. C’est un des arts les plus agréables et les plus utiles. On le doit aux Florentins, qui l’inventèrent vers le milieu du xve siècle ; et il a été poussé plus loin en France que dans le lieu même de sa naissance, parce qu’on y a fait un plus grand nombre d’ouvrages en ce genre. Les recueils des estampes du roi ont été souvent un des plus magnifiques présents qu’il ait faits aux ambassadeurs. La ciselure en or et en argent, qui dépend du dessin et du goût, a été portée à la plus grande perfection dont la main de l’homme soit capable.

  1. Déplacé pendant la Révolution, il y a été replacé depuis.
  2. Ces poinçons et carrés sont aujourd’hui à la Monnaie. (B.}