Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/581

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églises ; mais l’éloquence de la chaire, qui était très-grossière à Londres avant Charles II, se forma tout d’un coup. L’évêque Burnet avoue dans ses Mémoires que ce fut en imitant les Français. Peut-être ont-ils surpassé leurs maîtres : leurs sermons sont moins compassés, moins affectés, moins déclamateurs qu’en France.

Il est encore remarquable que ces insulaires, séparés du reste du monde et instruits si tard, aient acquis pour le moins autant de connaissances de l’antiquité qu’on en a pu rassembler dans Rome, qui a été si longtemps le centre des nations. Marsham a percé dans les ténèbres de l’ancienne Égypte. Il n’y a point de Persan qui ait connu la religion de Zoroastre comme le savant Hyde. L’histoire de Mahomet et des temps qui le précèdent était ignorée des Turcs, et a été développée par l’Anglais Sale, qui a voyagé si utilement en Arabie.

Il n’y a point de pays au monde où la religion chrétienne ait été si fortement combattue, et défendue si savamment qu’en Angleterre. Depuis Henri VIII jusqu’à Cromwell, on avait disputé et combattu comme cette ancienne espèce de gladiateurs qui descendaient dans l’arène un cimeterre à la main et un bandeau sur les yeux. Quelques légères différences dans le culte et dans le dogme avaient produit des guerres horribles ; et quand, depuis la restauration jusqu’à nos jours, on a attaqué tout le christianisme presque chaque année, ces disputes n’ont pas excité le moindre trouble ; on n’a répondu qu’avec la science : autrefois c’était avec le fer et la flamme.

C’est surtout en philosophie que les Anglais ont été les maîtres des autres nations. Il ne s’agissait plus de systèmes ingénieux. Les fables des Grecs devaient disparaître depuis longtemps, et les fables des modernes ne devaient jamais paraître. Le chancelier Bacon avait commencé par dire qu’on devait interroger la nature d’une manière nouvelle, qu’il fallait faire des expériences : Boyle passa sa vie à en faire. Ce n’est pas ici le lieu d’une dissertation physique ; il suffit de dire qu’après trois mille ans de vaines recherches, Newton est le premier qui ait découvert et démontré la grande loi de la nature par laquelle tous les éléments de la matière s’attirent réciproquement, loi par laquelle tous les astres sont retenus dans leur cours. Il est le premier qui ait vu en effet la lumière ; avant lui on ne la connaissait pas.

Ses principes mathématiques, où règne une physique toute nouvelle et toute vraie, sont fondés sur la découverte du calcul qu’on appelle mal à propos de l'infini, dernier effort de la géo-