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DU SIÈCLE DE LOUIS XIV.

jeu, d’être volé par son valet de chambre, et de dire quelques prétendus bons mots sur les aventures des autres.

Hardouin (Jean), jésuite, né à Quimper en 1646, profond dans histoire et chimérique dans les sentiments. Il faut s’enquérir, dit Montaigne, non quel est le plus savant, mais le mieux savant. Hardouin poussa la bizarrerie jusqu’à prétendre que l’Énéide et les Odes d’Horace ont été composées par des moines du xiiie siècle : il veut qu’Énée soit Jésus-Christ, et Lalagé, la maîtresse d’Horace, la religion chrétienne. Le même discernement qui faisait voir au père Hardouin le Messie dans Énée, lui découvrait des athées dans les pères Thomassin, Quesnel, Malebranche, dans Arnauld, dans Nicole, et Pascal[1]. Sa folie ôta à sa calomnie toute son atrocité ; mais tous ceux qui renouvellent cette accusation d’athéisme contre des sages ne sont pas toujours reconnus pour fous, et sont souvent très-dangereux. On a vu des hommes abuser de leur ministère, en employant ces armes contre lesquelles il n’y a point de bouclier, pour perdre, sans ressource, des personnes respectables auprès des princes trop peu instruits. Mort en 1729.

Hecquet (Philippe), médecin, mit au jour, en 1722, le système raisonné de la Trituration, idée ingénieuse qui n’explique pas la manière dont se fait la digestion. Les autres médecins y ont joint le suc gastrique, et la chaleur des viscères ; mais nul n’a pu découvrir le secret de la nature, qui se cache dans toutes ses opérations.

Helvétius (Jean-Claude-Adrien), fameux médecin qui a très-bien écrit sur l’économie animale et sur la fièvre. Mort en 1755. Il était père d’un vrai philosophe, qui renonça à la place de fermier général pour cultiver les lettres, et qui a eu le sort de plusieurs philosophes : persécuté pour un livre et pour sa vertu[2].

Hénault (Charles-Jean-François), président aux enquêtes du parlement, surintendant de la maison de la reine, de l’Académie française, né à Paris le 8 février 1685. Nous avons déjà parlé de son livre utile de l’Abrégé de l’Histoire de la France. Les recher-

  1. Le P. Hardouin cherchait à prouver qu’un dieu tel que les cartésiens le concevaient ne pouvait ressembler au véritable Dieu tel que l’admettent les chrétiens, puisque ce dieu des philosophes devait gouverner le monde par des lois générales et invariables ; ce qui, selon le P. Hardouin, détruisait toute espèce de révélation particulière, et toute religion, même la religion naturelle. Il prouvait que ces philosophes étaient athées par les mêmes arguments que les déistes emploient pour prouver que les théologiens sont absurdes. (K.)
  2. Tout cet article Helvétius est de 1768. Voyez l’article Homme dans le Dictionnaire philosophique.