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ALCORAN, OU LE KORAN.

Mahomet eut pour ennemis non seulement les poëtes de la Mecque, mais surtout les docteurs. Ceux-ci soulevèrent contre lui les magistrats, qui donnèrent décret de prise de corps contre lui, comme dûment atteint et convaincu d’avoir dit qu’il fallait adorer Dieu et non pas les étoiles. Ce fut, comme on sait, la source de sa grandeur. Quand on vit qu’on ne pouvait le perdre, et que ses écrits prenaient faveur, ou débita dans la ville qu’il n’en était pas l’auteur, ou que du moins il se faisait aider dans la composition de ses feuilles, tantôt par un savant juif, tantôt par un savant chrétien ; supposé qu’il y eût alors des savants.

C’est ainsi que parmi nous on a reproché à plus d’un prélat d’avoir fait composer leurs sermons et leurs oraisons funèbres par des moines. Il y avait un père Hercule qui faisait les sermons d’un certain évêque ; et quand on allait à ces sermons, on disait : « Allons entendre les travaux d’Hercule. »

Mahomet répond à cette imputation dans son chapitre XVI, à l’occasion d’une grosse sottise qu’il avait dite en chaire, et qu’on avait vivement relevée. Voici comme il se tire d’affaire :

« Quand tu liras le Koran, adresse-toi à Dieu, afin qu’il te préserve de Satan... il n’a de pouvoir que sur ceux qui l’ont pris pour maître, et qui donnent des compagnons à Dieu.

« Quand je substitue dans le Koran un verset à un autre (et Dieu sait la raison de ces changements), quelques infidèles disent : Tu as forgé ces versets ; mais ils ne savent pas distinguer le vrai d’avec le faux : dites plutôt que l’Esprit saint m’a apporté ces versets de la part de Dieu avec la vérité... D’autres disent plus malignement : Il y a un certain homme qui travaille avec lui à composer le Koran ; mais comment cet homme à qui ils attribuent mes ouvrages pourrait-il m’enseigner, puisqu’il parle une langue étrangère, et que celle dans laquelle le Koran est écrit est l’arabe le plus pur ? »

Celui qu’on prétendait travailler[1] avec Mahomet était un Juif nommé Bensalen ou Bensalon. Il n’est guère vraisemblable qu’un Juif eût aidé Mahomet à écrire contre les Juifs ; mais la chose n’est pas impossible. Nous avons dit depuis que c’était un moine qui travaillait à l’Alcoran avec Mahomet. Les uns le nommaient Bohaïra, les autres Sergius. Il est plaisant que ce moine ait eu un nom latin et un nom arabe.

Quant aux belles disputes théologiques qui se sont élevées entre les musulmans, je ne m’en mêle pas, c’est au muphti à décider.

  1. Voyez l’Alcoran de Sale, page 223. (Note de Voltaire.)