Quand il est arrivé sur les côtes du Malabar ou vers le Gange
(il n’importe, il n’y a qu’environ neuf cents milles d’un endroit
à l’autre), il fait saisir dix philosophes indiens, que les Grecs
appelaient gymnosophistes, et qui étaient nus comme des singes. Il
leur proposa des questions dignes du Mercure galant de Visé, leur
promettant bien sérieusement que celui qui aurait le plus mal
répondu serait pendu le premier, après quoi les autres suivraient
en leur rang.
Cela ressemble à Nabuchodonosor, qui voulait absolument tuer ses mages s’ils ne devinaient pas un de ses songes qu’il avait oublié ; ou bien au calife des Mille et une Nuits, qui devait étrangler sa femme dès qu’elle aurait fini son conte. Mais c’est Plutarque qui rapporte cette sottise, il faut la respecter : il était Grec.
On peut placer ce conte avec celui de l’empoisonnement d’Alexandre par Aristote : car Plutarque nous dit qu’on avait entendu dire à un certain Agnotémis, qu’il avait entendu dire au roi Antigone qu’Aristote avait envoyé une bouteille d’eau de Nonacris, ville d’Arcadie ; que cette eau était si froide, qu’elle tuait sur-le-champ ceux qui en buvaient ; qu’Antipâtre envoya cette eau dans une corne de pied de mulet ; qu’elle arriva toute fraîche à Babylone ; qu’Alexandre en but, et qu’il en mourut au bout de six jours d’une fièvre continue.
Il est vrai que Plutarque doute de cette anecdote. Tout ce
qu’on peut recueillir de bien certain, c’est qu’Alexandre, à l’âge
de vingt-quatre ans, avait conquis la Perse par trois batailles ;
qu’il eut autant de génie que de valeur ; qu’il changea la face
de l’Asie, de la Grèce, de l’Égypte, et celle du commerce du
monde ; et qu’enfin Boileau ne devait pas tant se moquer de
lui, attendu qu’il n’y a pas d’apparence que Boileau en eût fait
autant en si peu d’années[1].
Plus de vingt villes portent le nom d’Alexandrie, toutes bâties par Alexandre et par ses capitaines, qui devinrent autant de rois. Ces villes sont autant de monuments de gloire, bien supé-