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ALGER.

vivat otiosus. Alii vitrum confiant ; ab aliis charta conficitur ; alii liniphiones sunt (tissent le lin) ; omnes certe cujuscumque artis et videntur et habentur. Podagrosi quod agant habent ; habent caeci quod faciant ; ne chiragrici quidem apud eos otiosi vivunt. Unus illis deus est ; hunc christiani, hunc Judæi, hune omnes venerantur et gentes, etc. » Vopiscus in Saturnino.

Cette lettre d’un empereur aussi connu par son esprit que par sa valeur fait voir en effet que les chrétiens, ainsi que les autres, s’étaient corrompus dans cette ville du luxe et de la dispute ; mais les mœurs des premiers chrétiens n’avaient pas dégénéré partout ; et quoiqu’ils eussent le malheur d’être dès longtemps partagés en différentes sectes qui se détestaient et s’accusaient mutuellement, les plus violents ennemis du christianisme étaient forcés d’avouer qu’on trouvait dans son sein les âmes les plus pures et les plus grandes ; il en est même encore aujourd’hui dans des villes plus effrénées et plus folles qu’Alexandrie[1].


ALGER[2].


La philosophie est le principal objet de ce dictionnaire. Ce n’est pas en géographes que nous parlerons d’Alger, mais pour faire remarquer que le premier dessein de Louis XIV, lorsqu’il prit les rênes de l’État, fut de délivrer l’Europe chrétienne des courses continuelles des corsaires de Barbarie[3]. Ce projet annonçait une grande âme. Il voulait aller à la gloire par toutes les routes. On peut même s’étonner qu’avec l’esprit d’ordre qu’il mit dans sa cour, dans les finances et dans les affaires, il eût je ne sais quel goût d’ancienne chevalerie qui le portait à des actions généreuses et éclatantes qui tenaient même un peu du romanesque. Il est très certain que Louis XIV tenait de sa mère beaucoup de cette galanterie espagnole noble et délicate, et beaucoup de cette grandeur, de cette passion pour la gloire, de cette fierté qu’on voit dans les anciens romans. Il parlait de se battre avec l’empereur Léopold comme les chevaliers qui cherchaient les

  1. Voltaire désigne ici Paris.
  2. Questions sur l’Encyclopédie, première partie, 1770. (B.)
  3. Voyez l’Expédition de Gigeri, par Pellisson. (Note de Voltaire.) — Année 1664, livre II de son Histoire de Louis XIV, tome Ier, pages 197-198.