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AMAZONES.

valeur héroïque ; elle combattit elle-même dans dix batailles pour délivrer son mari. L’histoire n’a point d’exemple avéré d’un courage plus grand ni plus constant dans une femme.

Elle avait été précédée par la célèbre comtesse de Montfort, en Bretagne. « Cette princesse, dit d’Argentré, était vertueuse outre tout naturel de son sexe ; vaillante de sa personne autant que nul homme ; elle montait à cheval, elle le maniait mieux que nul écuyer ; elle combattait à la main ; elle courait, donnait parmi une troupe d’hommes d’armes comme le plus vaillant capitaine ; elle combattait par mer et par terre tout de même assurance, etc. »

On la voyait parcourir, l’épée à la main, ses États envahis par son compétiteur Charles de Blois. Non seulement elle soutint deux assauts sur la brèche d’Hennebon, armée de pied en cap, mais elle fondit sur le camp des ennemis, suivie de cinq cents hommes, y mit le feu, et le réduisit en cendres.

Les exploits de Jeanne d’Arc, si connue sous le nom de la Pucelle d’Orléans, sont moins étonnants que ceux de Marguerite d’Anjou et de la comtesse de Montfort. Ces deux princesses ayant été élevées dans la mollesse des cours, et Jeanne d’Arc dans le rude exercice des travaux de la campagne, il était plus singulier et plus beau de quitter sa cour que sa chaumière pour les combats.

L’héroïne qui défendit Beauvais est peut-être supérieure à celle qui fit lever le siège d’Orléans ; elle combattit tout aussi bien, et ne se vanta ni d’être pucelle ni d’être inspirée. Ce fut en 1472, quand l’armée bourguignonne assiégeait Beauvais, que Jeanne Hachette, à la tête de plusieurs femmes, soutint longtemps un assaut, arracha l’étendard qu’un officier des ennemis allait arborer sur la brèche, jeta le porte-étendard dans le fossé, et donna le temps aux troupes du roi d’arriver pour secourir la ville. Ses descendants ont été exemptés de la taille : faible et honteuse récompense ! Les femmes et les filles de Beauvais sont plus flattées d’avoir le pas sur les hommes à la procession le jour de l’anniversaire. Toute marque publique d’honneur encourage le mérite, et l’exemption de la taille n’est qu’une preuve qu’on doit être assujetti à cette servitude par le malheur de sa naissance.

Mlle  de La Charce, de la maison de La Tour du Pin Gouvernet, se mit, en 1692, à la tête des communes en Dauphiné, et repoussa les Barbets, qui faisaient une irruption. Le roi lui donna une pension comme à un brave officier. L’ordre militaire de Saint-Louis n’était pas encore institué[1].

  1. Il ne le fut que le 10 mai 1603.