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ANTIQUITÉ.

de Phætis on fait le Bætis, qui est le Guadalquivir. Le Gehon est visiblement la Guadiana, qui commence par un G. L’Èbre, qui est en Catalogne, est incontestablement l’Euphrate, dont un E est la lettre initiale.

Mais un Écossais survient, qui démontre à son tour que le jardin d’Éden était à Edimbourg, qui en a retenu le nom ; et il est à croire que dans quelques siècles cette opinion fera fortune.

Tout le globe a été brûlé autrefois, dit un homme versé dans l’histoire ancienne et moderne, car j’ai lu dans un journal qu’on a trouvé en Allemagne des charbons tout noirs à cent pieds de profondeur, entre des montagnes couvertes de bois ; et on soupçonne même qu’il y avait des charbonniers en cet endroit.

L’aventure de Phaéton fait assez voir que tout a bouilli jusqu’au fond de la mer. Le soufre du mont Vésuve prouve invinciblement que les bords du Rhin, du Danube, du Gange, du Nil, et du grand fleuve Jaune, ne sont que du soufre, du nitre et de l’huile de gaïac, qui n’attendent que le moment de l’explosion pour réduire la terre en cendres comme elle l’a déjà été. Le sable sur lequel nous marchons est une preuve évidente que l’univers a été vitrifié, et que notre globe n’est réellement qu’une boule de verre, ainsi que nos idées.

Mais si le feu a changé notre globe, l’eau a produit de plus belles révolutions. Car vous voyez bien que la mer, dont les marées montent jusqu’à huit pieds dans nos climats[1] a produit les montagnes qui ont seize à dix-sept mille pieds de hauteur. Cela est si vrai que des savants qui n’ont jamais été en Suisse y ont trouvé un gros vaisseau avec tous ses agrès, pétrifié sur le mont Saint-Gothard[2], ou au fond d’un précipice, on ne sait pas bien où ; mais il est certain qu’il était là. Donc originairement les hommes étaient poissons. Quod erat demonstrandum.

Pour descendre à une antiquité moins antique, parlons des temps où la plupart des nations barbares quittèrent leur pays pour en aller chercher d’autres qui ne valaient guère mieux. Il est vrai, s’il est quelque chose de vrai dans l’histoire ancienne,

  1. Voyez les articles Mer et Montagne. (Note de Voltaire.) — Ce renvoi est de Voltaire. Cependant l’article Montagne n’a aucun rapport avec ce dont il s’agit ici. Quant à l’article Mer, il n’a jamais existé ; mais on peut voir tome XI, page 4 ; et dans les Mélanges, année 1767, le chapitre xix de la Défense de mon oncle ; année 1768, le chapitre xi des Singularités de la nature ; année 1777, le onzième des Dialogues d’Évhémère. (B.)
  2. Voyez Telliamed et tous les systèmes forgés sur cette belle découverte. (Note de Voltaire.)