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ANTI-TRINITAIRES.

très-singulier : « Quand on demande, dit-il, ce que c’est que les trois, le langage des hommes se trouve court, et l’on manque de termes pour les exprimer : on a pourtant dit trois personnes, non pas pour dire quelque chose, mais parce qu’il faut parler et ne pas demeurer muet. Dictum est tamen tres personæ, non ut illud diceretur, sed ne taceretur. » (De Trinit., lib. V, cap. ix.)

Que les théologiens modernes n’ont pas mieux éclairci cette matière.

Que quand on leur demande ce qu’ils entendent par ce mot de personne, ils ne l’expliquent qu’en disant que c’est une certaine distinction incompréhensible, qui fait que l’on distingue dans une nature unique en nombre, un Père, un Fils, et un Saint-Esprit.

Que l’explication qu’ils donnent des termes d’engendrer et de procéder n’est pas plus satisfaisante, puisqu’elle se réduit à dire que ces termes marquent certaines relations incompréhensibles qui sont entre les trois personnes de la Trinité.

Que l’on peut recueillir de là que l’état de la question entre les orthodoxes et eux consiste à savoir s’il y a en Dieu trois distinctions dont on n’a aucune idée, et entre lesquelles il y a certaines relations dont on n’a point d’idées non plus.

De tout cela ils concluent qu’il serait plus sage de s’en tenir à l’autorité des apôtres, qui n’ont jamais parlé de la Trinité, et de bannir à jamais de la religion tous les termes qui ne sont pas dans l’Écriture, comme ceux de Trinité, de personne, d’essence, d’hypostase, d’union hypostatique et personnelle, d’incarnation, de génération, de procession, et tant d’autres semblables qui, étant absolument vides de sens puisqu’ils n’ont dans la nature aucun être réel représentatif, ne peuvent exciter dans l’entendement que des notions fausses, vagues, obscures et incomplètes. (Tiré en grande partie de l’article Unitaires de l’Encyclopédie, lequel article est de l’abbé de Bragelogne.)

Ajoutons à cet article ce que dit dom Calmet dans sa dissertation sur le passage de l’épître de Jean l’Évangéliste : « Il y en a trois qui donnent témoignage en terre : l’esprit, l’eau, et le sang ; et ces trois sont un. Il y en a trois qui donnent témoignage au ciel : le Père, le Verbe, et l’Esprit ; et ces trois sont un. » Dom Calmet avoue que ces deux passages ne sont dans aucune Bible ancienne ; et il serait en effet bien étrange que saint Jean eût parlé de la Trinité dans une lettre, et n’en eût pas dit un seul mot dans son Évangile. On ne voit nulle trace de ce dogme ni dans les évangiles canoniques, ni dans les apocryphes. Toutes ces rai-