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APOCRYPHES.

Juifs commencèrent à connaître les noms que les Chaldéens et les Perses donnaient aux anges[1].

C’est là qu’on voit les noms de Zinghiel, Samael, Tsakon, Lakah, et beaucoup d’autres dont les Juifs n’avaient fait aucune mention.

Le livre de la mort de Moïse paraît postérieur. Il est reconnu que les Juifs avaient plusieurs vies de Moïse très-anciennes, et d’autres livres indépendamment du Pentateuque. Il y était appelé Moni, et non pas Moïse ; et on prétend que mo signifiait de l’eau, et ni la particule de. On le nomma aussi du nom général Melk : on lui donna ceux de Joakim, Adamosi, Thetmosi ; et surtout on a cru que c’était le même personnage que Manethon appelle Ozarziph.

Quelques-uns de ces vieux manuscrits hébraïques furent tirés de la poussière des cabinets des Juifs vers l’an 1517. Le savant Gilbert Gaulmin, qui possédait leur langue parfaitement, les traduisit en latin vers l’an 1635. Ils furent imprimés ensuite et dédiés au cardinal de Bérulle. Les exemplaires sont devenus d’une rareté extrême.

Jamais le rabbinisme, le goût du merveilleux, l’imagination orientale, ne se déployèrent avec plus d’excès.

FRAGMENT DE LA VIE DE MOÏSE[2].

Cent trente ans après l’établissement des Juifs en Égypte, et soixante ans après la mort du patriarche Joseph, le pharaon eut un songe en dormant. Un vieillard tenait une balance : dans l’un des bassins étaient tous les habitants de l’Égypte, dans l’autre était un petit enfant, et cet enfant pesait plus que tous les Égyptiens ensemble. Le pharaon appelle aussitôt ses shotim, ses sages. L’un des sages lui dit : « roi ! cet enfant est un Juif qui fera un jour bien du mal à votre royaume. Faites tuer tous les enfants des Juifs, vous sauverez par là votre empire, si pourtant on peut s’opposer aux ordres du destin. »

Ce conseil plut à Pharaon : il fit venir les sages-femmes, et leur ordonna d’étrangler tous les mâles dont les Juives accoucheraient... Il y avait en Égypte un homme nommé Amram, fils de Kehat, mari de Jocebed, sœur de son frère. Cette Jocebed

  1. Voyez l’article Ange. (Note de Voltaire.)
  2. Tout ce paragraphe est extrait du chapitre xxiv de Dieu et les Hommes. Voyez les Mélanges, année 1769.