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ARMES, ARMÉES.

Quel homme qu’Aristote, qui trace les règles de la tragédie de la même main dont il a donné celles de la dialectique, de la morale, de la politique, et dont il a levé, autant qu’il a pu, le grand voile de la nature !

C’est dans le chapitre quatrième de sa Poétique que Boileau a puisé ces beaux vers :

Il n’est point de serpent ni de monstre odieux
Qui par l’art imité ne puisse plaire aux yeux ;
D’un pinceau délicat l’artifice agréable
Du plus affreux objet fait un objet aimable :
Ainsi pour nous charmer, la Tragédie en pleurs
D’Œdipe tout sanglant fit parler les douleurs[1].

Voici ce que dit Aristote : « L’imitation et l’harmonie ont produit la poésie... nous voyons avec plaisir, dans un tableau, des animaux affreux, des hommes morts ou mourants que nous ne regarderions qu’avec chagrin et avec frayeur dans la nature. Plus ils sont bien imités, plus ils nous causent de satisfaction. »

Ce quatrième chapitre de la Poétique d’Aristote se trouve presque tout entier dans Horace et dans Boileau. Les lois qu’il donne dans les chapitres suivants sont encore aujourd’hui celles de nos bons auteurs, si vous en exceptez ce qui regarde les chœurs et la musique. Son idée que la tragédie est instituée pour purger les passions a été fort combattue ; mais s’il entend, comme je le crois, qu’on peut dompter un amour incestueux en voyant le malheur de Phèdre, qu’on peut réprimer sa colère en voyant le triste exemple d’Ajax, il n’y a plus aucune difficulté.

Ce que ce philosophe recommande expressément, c’est qu’il y ait toujours de l’héroïsme dans la tragédie, et du ridicule dans la comédie. C’est une règle dont on commence peut-être trop aujourd’hui à s’écarter.

ARIUS.


Voyez ARIANISME, et la note, page 559.


ARMES, ARMÉES[2].


C’est une chose très-digne de considération, qu’il y ait eu et qu’il y ait encore sur la terre des sociétés sans armées. Les brach-

  1. Art poétique, chant III, 1-6.
  2. Questions sur l’Encyclopédie, deuxième partie, 1770. (B.)