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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome17.djvu/443

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ART DRAMATIQUE.

dans les ballets, et les opéras italiens étaient remplis d’arlequinades. Quinault ne dédaigna pas de s’abaisser jusqu’à ces platitudes :

Tu fais la grimace en pleurant,
Je ne puis m’empêcher de rire.

 

Ah ! vraiment, je vous trouve bonne,
Est-ce à vous, petite mignonne,
De reprendre ce que je dis ?

 

Mes pauvres compagnons, hélas !

Le dragon n’en a fait qu’un fort léger repas.

 

Le dragon étendu ! ne fait-il point le mort[1] ?

Mais dans ces deux opéras d’Alceste et de Cadmus, Quinault sut insérer des morceaux admirables de poésie. Lulli sut un peu les rendre en accommodant son génie à celui de la langue française ; et comme il était d’ailleurs très-plaisant, très-débauché, adroit, intéressé, bon courtisan, et par conséquent aimé des grands, et que Quinault n’était que doux et modeste, il tira toute la gloire à lui. Il fit accroire que Quinault était son garçon poëte, qu’il dirigeait, et qui sans lui ne serait connu que par les Satires de Boileau. Quinault, avec tout son mérite, resta donc en proie aux injures de Boileau, et à la protection de Lulli.

Cependant rien n’est plus beau, ni même plus sublime, que ce chœur des suivants de Pluton dans Alceste (acte IV, scène iii):

Tout mortel doit ici paraître.

On ne peut naître
Que pour mourir.

De cent maux le trépas délivre :

Qui cherche à vivre.
Cherche à souffrir....

 

Est-on sage
De fuir ce passage ?

C’est un orage
Qui mène au port....
Plaintes, cris, larmes,
Tout est sans armes
Contre la mort.

  1. Ces vers sont de l’opéra de Cadmus, acte II, scènes i et iii ; acte III, scènes iii et iv.