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ATHÉISME.

pas donné à tous les hommes cet instinct d’amour-propre qui les conduit tous nécessairement[1].


ATHÉISME.


SECTION PREMIÈRE[2].


De la comparaison si souvent faite entre l’athéisme et l’idolâtrie.


Il me semble que dans le Dictionnaire encyclopédique on ne réfute pas aussi fortement qu’on l’aurait pu le sentiment du jésuite Richeome sur les athées et sur les idolâtres, sentiment soutenu autrefois par saint Thomas, saint Grégoire de Nazianze, saint Cyprien, et Tertullien ; sentiment qu’Arnobe étalait avec beaucoup de force quand il disait aux païens : « Ne rougissez-vous pas de nous reprocher notre mépris pour vos dieux, et n’est-il pas beaucoup plus juste de ne croire aucun Dieu, que de leur imputer des actions infâmes[3] ? » sentiment établi longtemps auparavant par Plutarque, qui dit[4] « qu’il aime beaucoup mieux qu’on dise qu’il n’y a point de Plutarque, que si on disait : Il y a un Plutarque inconstant, colère, et vindicatif ; » sentiment enfin fortifié par tous les efforts de la dialectique de Bayle.

Voici le fond de la dispute, mis dans un jour assez éblouissant par le jésuite Richeome, et rendu encore plus spécieux par la manière dont Bayle le fait valoir[5].

« Il y a deux portiers à la porte d’une maison ; on leur demande : « Peut-on parler à votre maître ? — Il n’y est pas, répond l’un. — Il y est, répond l’autre, mais il est occupé à faire de la fausse monnaie, de faux contrats, des poignards, et des poisons, pour perdre ceux qui n’ont fait qu’accomplir ses desseins.» L’athée ressemble au premier de ces portiers, le païen à l’autre. Il est donc visible que le païen offense plus grièvement la Divinité que ne fait l’athée. »

Avec la permission du P. Richeome et même de Bayle, ce n’est

  1. Voyez les articles Amour-propre, Athéisme et Théisme du présent Dictionnaire ; la Profession de foi des théistes (Mélanges, année 1768) et les Lettres de Memmius à Cicéron (Mélanges, année 1771). (Note de Voltaire.)
  2. Questions sur l’Encyclopédie, deuxième partie, 1770. (B.)
  3. Arnobe, Adversus gentes, livre V.
  4. Plutarque, De la Superstition.
  5. Voyez Bayle, Continuation des pensées diverses, paragraphe 77, article xiii, où Bayle cite le Tableau votif pour le roi, par Richeome. (B.)