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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome17.djvu/500

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AUGURE.

sécheresse ; qu’ainsi Dieu serait un jour obligé de remettre la main à son ouvrage : manum emendatricem desideraret[1].

Leibnitz se récria beaucoup contre cette idée, et probablement il eut raison cette fois contre Newton. Mundum tradidit disputationi eorum (Eccles., ch. iii, v. 11).

Mais malgré cette idée que l’eau peut devenir terre, Newton croyait aux atomes insécables, indestructibles, ainsi que Gassendi et Boerhaave, ce qui paraît d’abord difficite à concilier : car si l’eau s’était changée en terre, ses éléments se seraient divisés et perdus.

Cette question rentre dans cette autre question fameuse de la matière divisible à l’infini. Le mot d’atome signifie non partagé, sans parties. Vous le divisez par la pensée, car si vous le divisiez réellement, il ne serait plus atome.

Vous pouvez diviser un grain d’or en dix-huit millions de parties visibles ; un grain de cuivre, dissous dans l’esprit de sel ammoniac, a montré aux yeux plus de vingt-deux milliards de parties ; mais quand vous êtes arrivé au dernier élément, l’atome échappe au microscope : vous ne divisez plus que par imagination.

Il en est de l’atome divisible à l’infini comme de quelques propositions de géométrie. Vous pouvez faire passer une infinité de courbes entre le cercle et sa tangente : oui, dans la supposition que ce cercle et cette tangente sont des lignes sans largeur ; mais il n’y en a point dans la nature.

Vous établissez de même que des asymptotes s’approcheront sans jamais se toucher ; mais c’est dans la supposition que ces lignes sont des longueurs sans largeur, des êtres de raison.

Ainsi vous représentez l’unité par une ligne ; ensuite vous divisez cette unité et cette ligne en tant de fractions qu’il vous plaît ; mais cette infinité de fractions ne sera jamais que votre unité et votre ligne.

Il n’est pas démontré en rigueur que l’atome soit indivisible ; mais il paraît prouvé qu’il est indivisé par les lois de la nature.


AUGURE[2].

Ne faut-il pas être bien possédé du démon de l’étymologie pour dire, avec Pezron et d’autres, que le mot romain augurium

  1. Voyez dans les Mélanges, année 1738, le chapitre viii de la première partie des Éléments de la philosophie de Newton.
  2. Questions sur l’Encyclopédie, deuxième partie, 1770. (B.)