Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome17.djvu/504

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
484
AUGUSTE OCTAVE.

quelques-unes pour lui. Le barbare et dissimulé Louis XI avait une foi vive à la croix de Saint-Lô. Presque tous les princes, excepté ceux qui ont eu le temps de lire, et de bien lire, ont un petit coin de superstition.


AUGUSTE OCTAVE.


DES MŒURS D’AUGUSTE[1].


On ne peut connaître les mœurs que par les faits, et il faut que ces faits soient incontestables. Il est avéré que cet homme, si immodérément loué d’avoir été le restaurateur des mœurs et des lois, fut longtemps un des plus infâmes débauchés de la république romaine. Son épigramme sur Fulvie, faite après l’horreur des proscriptions, démontre qu’il avait autant de mépris des bienséances dans les expressions que de barbarie dans sa conduite :

Quod futuit Glaphyram Antonius, hanc mihi pœnam
Fulvia constituit, se quoque uti futuam.

Fulviam ego ut futuam ! Quid si me Manius oret
Pœdicem, faciam ? non puto, si sapiam.

Aut futue, aut pugnemus, ait. Quid ? quod mihi vita
Charior est ipsa mentula, signa canant.

Cette abominable épigramme est un des plus forts témoignages de l’infamie des mœurs d’Auguste. Sexte Pompée lui reprocha des faiblesses infâmes : Effeminatum insectatus est. Antoine, avant le triumvirat, déclara que César, grand-oncle d’Auguste, ne l’avait adopté pour son fils que parce qu’il avait servi à ses plaisirs : adoptionem arunculi stupro meritum.

Lucius César lui fit le même reproche, et prétendit même qu’il avait poussé la bassesse jusqu’à vendre son corps à Hirtius pour une somme très-considérable. Son impudence alla depuis jusqu’à arracher une femme consulaire à son mari au milieu

  1. En 1770, dans la seconde partie des Questions sur l’Encyclopédie, l’article commençait ainsi : « On a demandé souvent sous quelle dénomination et à quel titre Octave, citoyen de la petite ville de Vellotri, surnommé Auguste, fut le maître d’un empire qui s’étendait du mont Taurus au mont Atlas, et de l’Euphrate à la Seine. Ce ne fut point comme dictateur perpétuel, etc. ; » et Voltaire reproduisait l’écrit intitulé Du Gouvernement d’Auguste (voyez les Mélanges, année 1766) ; après quoi venait le morceau Des Mœurs d’Auguste, dont plusieurs passages sont extraits des notes de la tragédie du Triumvirat (tome V du Théâtre). (B.)