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BABEL.


B.


BABEL.


SECTION PREMIÈRE[1].


Babel signifiait, chez les Orientaux, Dieu le père, la puissance de Dieu, la porte de Dieu, selon que l’on prononçait ce nom. C’est de là que Babylone fut la ville de Dieu, la ville sainte. Chaque capitale d’un État était la ville de Dieu, la ville sacrée. Les Grecs les appelèrent toutes Hierapolis, et il y en eut plus de trente de ce nom. La tour de Babel signifiait donc la tour du père Dieu.

Josèphe, à la vérité, dit que Babel signifiait confusion. Calmet dit, après d’autres, que Bilba, en chaldéen, signifie confondue ; mais tous les Orientaux ont été d’un sentiment contraire. Le mot de confusion serait une étrange origine de la capitale d’un vaste empire. J’aime autant Rabelais, qui prétend que Paris fut autrefois appelé Lutèce, à cause des blanches cuisses des dames.

Quoi qu’il en soit, les commentateurs se sont fort tourmentés pour savoir jusqu’à quelle hauteur les hommes avaient élevé cette fameuse tour de Babel. Saint Jérôme lui donne vingt mille pieds. L’ancien livre juif intitulé Jacult lui en donnait quatre-vingt-un mille. Paul Lucas en a vu les restes, et c’est bien voir à lui. Mais ces dimensions ne sont pas la seule difficulté qui ait exercé les doctes.

On a voulu savoir comment les enfants de Noé[2], « ayant partagé entre eux les îles des nations, s’établissant en divers pays, dont chacun eut sa langue, ses familles, et son peuple particulier », tous les hommes se trouvèrent ensuite « dans la plaine de Sennaar pour y bâtir une tour, en disant[3] : Rendons notre nom célèbre avant que nous soyons dispersés dans toute la terre ».

La Genèse parle des États que les fils de Noé fondèrent. On a recherché comment les peuples de l’Europe, de l’Afrique, de l’Asie, vinrent tous à Sennaar, n’ayant tous qu’un même langage et une même volonté.

  1. Cette section composait tout l’article dans les Questions sur l’Encyclopédie, troisième partie, 1770. (B.)
  2. Genèse, chapitre x, v. 5. (Note de Voltaire.)
  3. Chapitre xi, v. 2 et 4. (Id.)