Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome17.djvu/569

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
549
BARBE.

qué qu’il y aurait dans l’armée à chars de guerre autant de canons pour les protéger qu’il y en aurait dans l’armée ennemie pour les fracasser. On ajouta que ces chars seraient d’abord à l’abri du canon derrière les bataillons ou escadrons, que ceux-ci s’ouvriraient pour laisser courir ces chars avec impétuosité, que cette attaque inattendue pourrait faire un effet prodigieux. Les généraux n’opposèrent rien à ces raisons ; mais ils ne voulurent point jouer à ce jeu renouvelé des Perses.



BARBE[1].


Tous les naturalistes nous assurent que la sécrétion qui produit la barbe est la même que celle qui perpétue le genre humain. Les eunuques, dit-on, n’ont point de barbe, parce qu’on leur a ôté les deux bouteilles dans lesquelles s’élaborait la liqueur procréatrice qui devait à la fois former des hommes et de la barbe au menton. On ajoute que la plupart des impuissants n’ont point de barbe, par la raison qu’ils manquent de cette liqueur, laquelle doit être repompée par des vaisseaux absorbants, s’unir à la lymphe nourricière, et lui fournir de petits oignons de poils sous le menton, sur les joues, etc., etc.

Il y a des hommes velus de la tête aux pieds comme les singes ; on prétend que ce sont les plus dignes de propager leur espèce, les plus vigoureux, les plus prêts à tout ; et on leur fait souvent beaucoup trop d’honneur, ainsi qu’à certaines dames qui sont un peu velues, et qui ont ce qu’on appelle une belle palatine. Le fait est que les hommes et les femmes sont tous velus de la tête aux pieds ; blondes ou brunes, bruns ou blonds, tout cela est égal. Il n’y a que la paume de la main et la plante du pied qui soient absolument sans poil. La seule différence, surtout dans nos climats froids, c’est que les poils des dames, et surtout des blondes, sont plus follets, plus doux, plus imperceptibles. Il y a aussi beaucoup d’hommes dont la peau semble très-unie ; mais il en est d’autres qu’on prendrait de loin pour des ours, s’ils avaient une petite queue.

Cette affinité constante entre le poil et la liqueur séminale ne peut guère se contester dans notre hémisphère. On peut seulement demander pourquoi les eunuques et les impuissants, étant sans barbe, ont pourtant des cheveux : la chevelure serait-elle

  1. Questions sur l’Encyclopédie, troisième partie, 1770. (B.)