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BETHSAMÈS.

pamphlet, que le texte de l’Écriture est corrompu. Il nous permettra de n’être pas de son avis. Presque toutes les Bibles s’accordent dans ces expressions : soixante et dix hommes du peuple, et cinquante mille de la populace[1] : « De populo septuaginta viros, et quinquaginta millia plebis. »

Le révérend docteur Kennicott dit au révérend milord évêque d’Oxford « qu’autrefois il avait de forts préjugés en faveur du texte hébraïque, mais que, depuis dix-sept ans, Sa Grandeur et lui sont bien revenus de leurs préjugés, après la lecture réfléchie de ce chapitre ».

Nous ne ressemblons point au docteur Kennicott ; et plus nous lisons ce chapitre, plus nous respectons les voies du Seigneur, qui ne sont pas nos voies.

« Il est impossible, dit Kennicott, à un lecteur de bonne foi de ne se pas sentir étonné et affecté à la vue de plus de cinquante mille hommes détruits dans un seul village, et encore c’était cinquante mille hommes occupés à la moisson. »

Nous avouons que cela supposerait environ cent mille personnes au moins dans ce village. Mais monsieur le docteur doit-il oublier que le Seigneur avait promis à Abraham que sa postérité se multiplierait comme le sable de la mer ?

« Les Juifs et les chrétiens, ajoute-t-il, ne se sont point fait de scrupule d’exprimer leur répugnance à ajouter foi à cette destruction de cinquante mille soixante et dix hommes. »

Nous répondons que nous sommes chrétiens, et que nous n’avons nulle répugnance à ajouter foi à tout ce qui est dans les saintes Écritures. Nous répondrons, avec le révérend P. dom Calmet, que s’il fallait « rejeter tout ce qui est extraordinaire et hors de la portée de notre esprit, il faudrait rejeter toute la Bible ». Nous sommes persuadés que les Juifs, étant conduits par Dieu même, ne devaient éprouver que des événements marqués au sceau de la Divinité, et absolument différents de ce qui arrive aux autres hommes. Nous osons même avancer que la mort de ces cinquante mille soixante et dix hommes est une des choses les moins surprenantes qui soient dans l’Ancien Testament.

On est saisi d’un étonnement encore plus respectueux quand le serpent d’Ève et l’âne de Balaam parlent, quand l’eau des cataractes s’élève avec la pluie quinze coudées au-dessus de toutes les montagnes, quand on voit les plaies de l’Égypte, et six cent trente mille Juifs combattants fuir à pied à travers la mer ouverte

  1. I, Rois, vi, 19.