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ACADÉMIE.

la politesse est aux premières leçons de la civilité. Les académies n’étant point mercenaires doivent être absolument libres. Telles ont été les académies d’Italie, telle est l’Académie française, et surtout la Société royale de Londres.

L’Académie française, qui s’est formée elle-même, reçut à la vérité des lettres patentes de Louis XIII, mais sans aucun salaire, et par conséquent sans aucune sujétion. C’est ce qui engagea les premiers hommes du royaume, et jusqu’à des princes, à demander d’être admis dans cet illustre corps. La Société de Londres a eu le même avantage.

Le célèbre Colbert, étant membre de l’Académie française, employa quelques-uns de ses confrères à composer les inscriptions et les devises pour les bâtiments publics. Cette petite assemblée, dont furent ensuite Racine et Boileau, devint bientôt une académie à part. On peut dater même de l’année 1663 l’établissement de cette Académie des inscriptions, nommée aujourd’hui des belles-lettres, et celle de l’Académie des sciences de 1666. Ce sont deux établissements qu’on doit au même ministre, qui contribua en tant de genres à la splendeur du siècle de Louis XIV.

Lorsque après la mort de Jean-Baptiste Colbert, et celle du marquis de Louvois, le comte de Pontchartrain, secrétaire d’État, eut le département de Paris, il chargea l’abbé Bignon, son neveu, de gouverner les nouvelles académies. On imagina des places d’honoraires, qui n’exigeaient nulle science, et qui étaient sans rétribution ; des places de pensionnaires, qui demandaient du travail, désagréablement distinguées de celles des honoraires ; des places d’associés sans pension, et des places d’élèves, titre encore plus désagréable, et supprimé depuis.

L’Académie des belles-lettres fut mise sur le même pied. Toutes deux se soumirent à la dépendance immédiate du secrétaire d’État, et à la distinction révoltante des honorés, des pensionnés, et des élèves.

L’abbé Bignon osa proposer le même règlement à l’Académie française, dont il était membre. Il fut reçu avec une indignation unanime. Les moins opulents de l’Académie furent les premiers à rejeter ses offres, et à préférer la liberté et l’honneur à des pensions.

L’abbé Bignon, qui, avec l’intention louable de faire du bien, n’avait pas assez ménagé la noblesse des sentiments de ses confrères, ne remit plus le pied à l’Académie française ; il régna dans les autres tant que le comte de Pontchartrain fut en place. Il résumait même les Mémoires lus aux séances publiques, quoiqu’il faille l’érudition la plus profonde et la plus étendue pour