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ADORER.

nos opéras et dans nos chansons il est souvent parlé des dieux de la fable. Les poëtes ont dit que leurs Philis étaient plus adorables que ces fausses divinités, et personne ne pouvait les en blâmer. Peu à peu on s’est accoutumé à cette expression, au point qu’on a traité de même le Dieu de tout l’univers et une chanteuse de l’Opéra-Comique, sans qu’on s’aperçût de ce ridicule.

Détournons-en les yeux, et ne les arrêtons que sur l’importance de notre sujet.

Il n’y a point de nation civilisée qui ne rende un culte public d’adoration à Dieu. Il est vrai qu’on ne force personne, ni en Asie, ni en Afrique, d’aller à la mosquée ou au temple du lieu ; ou y va de son bon gré. Cette affluence aurait pu même servir à réunir les esprits des hommes, et à les rendre plus doux dans la société. Cependant on les a vus quelquefois s’acharner les uns contre les autres dans l’asile même consacré à la paix. Les zélés inondèrent de sang le temple de Jérusalem, dans lequel ils égorgèrent leurs frères. Nous avons quelquefois souillé nos églises de carnage[1].

À l’article de la Chine, on verra que l’empereur est le premier pontife, et combien le culte est auguste et simple. Ailleurs il est simple sans avoir rien de majestueux : comme chez les réformés de notre Europe, et dans l’Amérique anglaise.

Dans d’autres pays, il faut à midi allumer des flambeaux de cire, qu’on avait en abomination dans les premiers temps. Un couvent de religieuses, à qui on voudrait retrancher les cierges, crierait que la lumière de la foi est éteinte, et que le monde va finir.

L’Église anglicane tient le milieu entre les pompeuses cérémonies romaines et la sécheresse des calvinistes.

Les chants, la danse et les flambeaux, étaient des cérémonies essentielles aux fêtes sacrées de tout l’Orient. Quiconque a lu sait que les anciens Égyptiens faisaient le tour de leurs temples en chantant et en dansant. Point d’institution sacerdotale chez les Grecs sans des chants et des danses. Les Hébreux prirent cette coutume de leurs voisins ; David chantait et dansait devant l’arche.

Saint Matthieu parle d’un cantique chanté par Jésus-Christ

  1. Le capitaine Light, qui a publié on août 1818 la relation de son voyage en Égypte, en Nubie et dans la Terre-Sainte, raconte que récemment les diverses sectes de chrétiens se sont battues dans l’église même du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Voyez les Annales politiques, morales et littéraires, du 1er septembre 1815. (B.)