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ADULTÈRE.


Ménandre[1] se disait, comme Simon, envoyé de Dieu et sauveur des hommes. Tous les faux messies, et surtout Barcochebas, prenaient le titre d’envoyés de Dieu ; mais Barcochehas lui-même n’exigea point d’adoration. On ne divinise guère les hommes de leur vivant, à moins que ces hommes ne soient des Alexandre ou des empereurs romains qui l’ordonnent expressément à des esclaves : encore n’est-ce pas une adoration proprement dite ; c’est une vénération extraordinaire, une apothéose anticipée, une flatterie aussi ridicule que celles qui sont prodiguées à Octave par Virgile et par Horace.


ADULTÈRE[2].


Nous ne devons point cette expression aux Grecs. Ils appelaient l’adultère μοιχεία, dont les Latins ont fait leur mœchus, que nous n’avons point francisé. Nous ne la devons ni à la langue syriaque ni à l’hébraïque, jargon du syriaque, qui nommait l’adultère nyuph. Adultère signifiait, en latin, « altération, adultération, une chose mise pour une autre, un crime de faux, fausses clefs, faux contrats, faux seing ; adulteratio ». De là, celui qui se met dans le lit d’un autre fut nommé adulter, comme une fausse clef qui fouille dans la serrure d’autrui.

C’est ainsi qu’ils nommèrent par antiphrase coccyx, coucou, le pauvre mari chez qui un étranger venait pondre. Pline le Naturaliste dit[3] : « Coccix ova subdit in nidis alienis ; ita plerique aliénas uxores faciunt matres. — Le coucou dépose ses œufs dans le nid des autres oiseaux ; ainsi force Romains rendent mères les femmes de leurs amis. » La comparaison n’est pas trop juste. Coccyx signifiant un coucou, nous en avons fait cocu. Que de choses on doit aux Romains ! mais comme on altère le sens de tous les mots ! Le cocu, suivant la bonne grammaire, devrait être le galant, et c’est le mari. Voyez la chanson de Scarron[4].

  1. Ce n’est pas du poëte comique ni du rhéteur qu’il s’agit ici, mais d’un disciple de Simon le Magicien, devenu enthousiaste et charlatan comme son maître. (Note de Voltaire.)
  2. Questions sur l’Encyclopédie, première partie, 1770. (B.)
  3. Livre X, chapitre IX. (Note de Voltaire.)
  4. Tous les jours une chaise
    Me coûte un écu,
    Pour porter à l’aise
    Votre chien de cu,
    À moi pauvre cocu. (Id.)