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ADULTÈRE.

parlé. Origène, saint Jérôme, saint Jean Chrysostome, Théophilacte, Nonnus, ne la connaissent point. Elle ne se trouve point dans la Bible syriaque, elle n’est point dans la version d’Ulphilas.

Voilà ce que disent les avocats de mon mari, qui voudraient non seulement me faire raser, mais me faire lapider.

Mais les avocats qui ont plaidé pour moi disent qu’Ammonius, auteur du IIIe siècle, a reconnu cette histoire pour véritable, et que si saint Jérôme la rejette dans quelques endroits, il l’adopte dans d’autres ; qu’en un mot elle est authentique aujourd’hui. Je pars de là, et je dis à mon mari : Si vous êtes sans péché, rasez-moi, enfermez-moi, prenez mon bien ; mais si vous avez fait plus de péchés que moi, c’est à moi de vous raser, de vous faire enfermer, — et de m’emparer de votre fortune. En fait de justice, les choses doivent être égales.

Mon mari réplique qu’il est mon supérieur et mon chef, qu’il est plus haut que moi de plus d’un pouce, qu’il est velu comme un ours ; que par conséquent je lui dois tout, et qu’il ne me doit rien.

Mais je demande si la reine Anne d’Angleterre n’est pas le chef de son mari ? si son mari le prince de Danemark, qui est son grand-amiral, ne lui doit pas une obéissance entière ? et si elle ne le ferait pas condamner à la cour des pairs en cas d’infidélité de la part du petit homme ? Il est donc clair que si les femmes ne font pas punir les hommes, c’est quand elles ne sont pas les plus fortes.


SUITE DU CHAPITRE SUR L’ADULTÈRE.


Pour juger valablement un procès d’adultère, il faudrait que douze hommes et douze femmes fussent les juges, avec un hermaphrodite qui eût la voix prépondérante en cas de partage.

Mais il est des cas singuliers sur lesquels la raillerie ne peut avoir de prise, et dont il ne nous appartient pas de juger. Telle est l’aventure que rapporte saint Augustin dans son sermon de la prédication de Jésus-Christ sur la montagne.

Septimius Acyndinus, proconsul de Syrie, fait emprisonner dans Antioche un chrétien qui n’avait pu payer au fisc une livre d’or à laquelle il était taxé, et le menace de la mort s’il ne paye. Un homme riche promet les deux marcs à la femme de ce malheureux si elle veut consentir à ses désirs. La femme court en instruire son mari ; il la supplie de lui sauver la vie aux dépens