Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome18.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
160
CHRISTIANISME.

Le théisme de la Chine, et les respectables livres de Confutzée, qui vécut environ six cents ans avant Hérode, étaient encore plus ignorés des nations occidentales que les rites juifs.

Les Arabes, qui fournissaient les denrées précieuses de l’Inde aux Romains, n’avaient pas plus d’idée de la théologie des brachmanes que nos matelots qui vont à Pondichéry ou à Madras, Les femmes indiennes étaient en possession de se brûler sur le corps de leurs maris de temps immémorial ; et ces sacrifices étonnants, qui sont encore en usage, étaient aussi ignorés des Juifs que les coutumes de l’Amérique. Leurs livres, qui parlent de Gog et de Magog, ne parlent jamais de l’Inde.

L’ancienne religion de Zoroastre était célèbre, et n’en était pas plus connue dans l’empire romain. On savait seulement en général que les mages admettaient une résurrection, un paradis, un enfer ; et il fallait bien que cette doctrine eût percé chez les Juifs voisins de la Chaldée, puisque la Palestine était partagée du temps d’Hérode entre les pharisiens, qui commençaient à croire le dogme de la résurrection, et les saducéens, qui ne regardaient cette doctrine qu’avec mépris.

Alexandrie, la ville la plus commerçante du monde entier, était peuplée d’Égyptiens, qui adoraient Sérapis et qui consacraient des chats ; de Grecs, qui philosophaient ; de Romains, qui dominaient ; de Juifs, qui s’enrichissaient. Tous ces peuples s’acharnaient à gagner de l’argent, à se plonger dans les plaisirs ou dans le fanatisme, à faire ou à défaire des sectes de religion, surtout dans l’oisiveté qu’ils goûtèrent dès qu’Auguste eut fermé le temple de Janus.

Les Juifs étaient divisés en trois factions principales : celle des Samaritains se disait la plus ancienne, parce que Samarie (alors Sebaste) avait subsisté pendant que Jérusalem fut détruite avec son temple sous les rois de Babylone ; mais ces Samaritains étaient un mélange de Persans et de Palestins.

La seconde faction, et la plus puissante, était celle des Jérosolymites. Ces Juifs, proprement dits, détestaient ces Samaritains, et en étaient détestés. Leurs intérêts étaient tout opposés. Ils voulaient qu’on ne sacrifiât que dans le temple de Jérusalem. Une telle contrainte eût attiré beaucoup d’argent dans cette ville. C’était par cette raison-là même que les Samaritains ne voulaient sacrifier que chez eux. Un petit peuple, dans une petite ville, peut n’avoir qu’un temple ; mais dès que ce peuple s’est étendu dans soixante et dix lieues de pays en long, et dans vingt-trois en large, comme fit le peuple juif ; dès que son territoire est presque