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CIRCONCISION.

Il est dit, dans le livre de Josué[1], que les Juifs furent circoncis dans le désert : « Je vous ai délivrés de ce qui faisait votre opprobre chez les Égyptiens. » Or quel pouvait être cet opprobre pour des gens qui se trouvaient entre les peuples de Phénicie, les Arabes et les Égyptiens, si ce n’est ce qui les rendait méprisables à ces trois nations ? comment leur ôte-t-on cet opprobre ? en leur ôtant un peu de prépuce : n’est-ce pas là le sens naturel de ce passage ?

La Genèse[2] dit qu’Abraham avait été circoncis auparavant ; mais Abraham voyagea en Égypte, qui était depuis longtemps un royaume florissant, gouverné par un puissant roi ; rien n’empêche que dans un royaume si ancien la circoncision ne fût établie. De plus, la circoncision d’Abraham n’eut point de suite ; sa postérité ne fut circoncise que du temps de Josué.

Or, avant Josué, les Israélites, de leur aveu même, prirent beaucoup de coutumes des Égyptiens ; ils les imitèrent dans plusieurs sacrifices, dans plusieurs cérémonies, comme dans les jeûnes qu’on observait les veilles des fêtes d’Isis, dans les ablutions, dans la coutume de raser la tête des prêtres ; l’encens, le candélabre, le sacrifice de la vache rousse, la purification avec de l’hysope, l’abstinence du cochon, l’horreur des ustensiles de cuisine des étrangers, tout atteste que le petit peuple hébreu, malgré son aversion pour la grande nation égyptienne, avait retenu une infinité d’usages de ses anciens maîtres. Ce bouc Hazazel qu’on envoyait dans le désert, chargé des péchés du peuple, était une imitation visible d’une pratique égyptienne ; les rabbins conviennent même que le mot d’Hazazel n’est point hébreu. Rien n’empêche donc que les Hébreux n’aient imité les Égyptiens dans la circoncision, comme faisaient les Arabes leurs voisins.

Il n’est point extraordinaire que Dieu, qui a sanctifié le baptême, si ancien chez les Asiatiques, ait sanctifié aussi la circoncision, non moins ancienne chez les Africains. On a déjà remarqué qu’il est le maître d’attacher ses grâces aux signes qu’il daigne choisir.

Au reste, depuis que, sous Josué, le peuple juif eut été circoncis, il a conservé cet usage jusqu’à nos jours ; les Arabes y ont aussi toujours été fidèles ; mais les Égyptiens, qui dans les premiers temps circoncisaient les garçons et les filles, cessèrent avec le temps de faire aux filles cette opération, et enfin la restreigni-

  1. v, 9.
  2. xvii, 26.