Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome18.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
195
CLERC.

Plutarque, dans sa huitième question des propos de table, dit qu’il y a des colléges de prêtres en Égypte qui renoncent au mariage.

Les premiers chrétiens, quoique faisant profession d’une vie aussi pure que celle des esséniens et des thérapeutes, ne firent point une vertu du célibat. Nous avons vu que presque tous les apôtres et les disciples étaient mariés. Saint Paul écrit à Tite[1] : « Choisissez pour prêtre celui qui n’aura qu’une femme ayant des enfants fidèles et non accusés de luxure. »

Il dit la même chose à Timothée[2] : « Que le surveillant soit mari d’une seule femme. »

Il semble faire si grand cas du mariage, que dans la même lettre à Timothée, il dit[3] : « La femme ayant prévariqué se sauvera en faisant des enfants. »

Ce qui arriva dans le fameux concile de Nicée au sujet des prêtres mariés mérite une grande attention. Quelques évêques, au rapport de Sozomène et de Socrate[4], proposèrent une loi qui défendît aux évêques et aux prêtres de toucher dorénavant à leurs femmes ; mais saint Paphnuce le martyr, évêque de Thèbes en Égypte, s’y opposa fortement, disant que « coucher avec sa femme c’est chasteté » ; et son avis fut suivi par le concile.

Suidas, Gelase Cyzicène, Cassiodore et Nicéphore Caliste, rapportent précisément la même chose.

Le concile seulement défendit aux ecclésiastiques d’avoir chez eux des agapètes, des associées, autres que leurs propres femmes, excepté leurs mères, leurs sœurs, leurs tantes, et des vieilles hors de tout soupçon.

Depuis ce temps, le célibat fut recommandé sans être ordonné. Saint Jérôme, voué à la solitude, fut celui de tous les Pères qui fit les plus grands éloges du célibat des prêtres : cependant il prend hautement le parti de Cartérius, évêque d’Espagne, qui s’était remarié deux fois. « Si je voulais nommer, dit-il, tous les évêques qui ont passé à de secondes noces, j’en trouverais plus qu’il n’y eut d’évêques au concile de Rimini[5] — Tantus numerus congregabitur ut Riminensis synodus superetur. »

Les exemples des clercs mariés et vivant avec leurs femmes sont innombrables. Sydonius, évêque de Clermont en Auvergne

  1. Épître à Tite, chapitre i, v. 6. (Note de Voltaire.)
  2. I à Timothée, chapitre iii, v. 2. (Id.)
  3. Chapitre ii, v. 15. (Id.)
  4. Sozom., liv. I. Socrate, liv. I. (Id.)
  5. Lettre lxvii à Oceanus. (ld.)