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BLÉ OU BLED.

Quand une mesure nommée quarter, égale à vingt-quatre boisseaux de Paris, n’excédait pas en Angleterre la valeur de deux livres sterling huit schellings au marché, le gouvernement payait à l’exportateur de ce quarter cinq schellings — 5 liv. 10 s. de France ; à l’exportateur du seigle, quand il ne valait qu’une livre sterling et douze schellings, on donnait de récompense trois schellings et six sous — 3 liv. 12 s. de France. Le reste, dans une proportion assez exacte.

Quand le prix des grains haussait, la gratification n’avait plus lieu ; quand ils étaient plus chers, l’exportation n’était plus permise. Ce règlement a éprouvé quelques variations ; mais enfin le résultat a été un profit immense. On a vu par un extrait de l’exportation des grains, présenté à la chambre des communes, en 1751, que l’Angleterre avait vendu aux autres nations en cinq années pour 7,405,786 liv. sterling, qui font cent soixante et dix millions trois cent trente-trois mille soixante et dix-huit livres de France. Et sur cette somme, que l’Angleterre tira de l’Europe en cinq années, la France en paya environ dix millions et demi.

L’Angleterre devait sa fortune à sa culture, qu’elle avait trop longtemps négligée ; mais aussi elle la devait à son terrain. Plus sa terre a valu, plus elle s’est encore améliorée. On a eu plus de chevaux, de bœufs et d’engrais. Enfin on prétend qu’une récolte abondante peut nourrir l’Angleterre cinq ans, et qu’une même récolte peut à peine nourrir la France deux années.

Mais aussi la France a presque le double d’habitants ; et en ce cas l’Angleterre n’est que d’un cinquième plus riche en blé, pour nourrir la moitié moins d’hommes : ce qui est bien compensé par les autres denrées, et par les manufactures de la France.


SECTION V[1].


Mémoire court sur les autres pays.


L’Allemagne est comme la France, elle a des provinces fertiles en blé, et d’autres stériles ; les pays voisins du Rhin et du Danube, la Bohême, sont les mieux partagés. Il n’y a guère de grand commerce de grains que dans l’intérieur.

  1. Voyez la note de la page 5.