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CONSCIENCE.


CONQUÊTE.


Réponse à un questionneur sur ce mot.


Quand les Silésiens et les Saxons disent : « Nous sommes la conquête du roi de Prusse, » cela ne veut pas dire : Le roi de Prusse nous a plu ; mais seulement : il nous a subjugués.

Mais quand une femme dit : « Je suis la conquête de M. l’abbé, de M. le chevalier, » cela veut dire aussi : il m’a subjuguée ; or on ne peut subjuguer madame sans lui plaire ; mais aussi madame ne peut être subjuguée sans avoir plu à monsieur ; ainsi, selon toutes les règles de la logique, et encore plus de la physique, quand madame est la conquête de quelqu’un, cette expression emporte évidemment que monsieur et madame se plaisent l’un à l’autre : j’ai fait la conquête de monsieur signifie : il m’aime ; et je suis sa conquête veut dire : nous nous aimons. M. Tascher s’est adressé, dans cette importante question, à un homme désintéressé qui n’est la conquête ni d’un roi ni d’une dame, et qui présente ses respects à celui qui a bien voulu le consulter.



CONSCIENCE[1].


SECTION PREMIÈRE.


De la conscience du bien et du mal.


Locke a démontré (s’il est permis de se servir de ce terme en morale et en métaphysique) que nous n’avons ni idées innées, ni principes innés ; et il a été obligé de le démontrer trop au long, parce qu’alors l’erreur contraire était universelle.

De là il suit évidemment que nous avons le plus grand besoin qu’on nous mette de bonnes idées et de bons principes dans la tête, dès que nous pouvons faire usage de la faculté de l’entendement.

Locke apporte l’exemple des sauvages, qui tuent et qui mangent leur prochain sans aucun remords de conscience, et des soldats chrétiens bien élevés, qui, dans une ville prise d’assaut, pillent,

  1. Les quatre sections de cet article parurent en 1771, dans la quatrième partie des Questions sur l’Encyclopédie. Une version de la quatrième section est de 1767. (B.)