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CONSTANTIN.


CONSPIRATIONS CONTRE LES PEUPLES,


ou


PROSCRIPTIONS[1].



CONSTANTIN[2].


SECTION PREMIÈRE.


Du siècle de Constantin.


Parmi les siècles qui suivirent celui d’Auguste, vous avez raison de distinguer celui de Constantin. Il est à jamais célèbre par les grands changements qu’il apporta sur la terre. Il commençait, il est vrai, à ramener la barbarie : non-seulement on ne retrouvait plus des Cicérons, des Horaces et des Virgiles, mais il n’y avait pas même de Lucains, ni de Sénèques ; pas un historien sage et exact : on ne voit que des satires suspectes, ou des panégyriques encore plus hasardés.

Les chrétiens commençaient alors à écrire l’histoire ; mais ils n’avaient pris ni Tite-Live ni Thucydide pour modèle. Les sectateurs de l’ancienne religion de l’empire n’écrivaient ni avec plus d’éloquence ni avec plus de vérité. Les deux partis, animés l’un contre l’autre, n’examinaient pas bien scrupuleusement les calomnies dont on chargeait leurs adversaires. De là vient que le même homme est regardé tantôt comme un dieu, tantôt comme un monstre.

La décadence en toute chose, et dans les moindres arts mécaniques comme dans l’éloquence et dans la vertu, arriva après Marc-Aurèle. Il avait été le dernier empereur de cette secte stoïque qui élevait l’homme au-dessus de lui-même en le rendant dur pour lui seul, et compatissant pour les autres. Ce ne fut plus, depuis la mort de cet empereur vraiment philosophe, que tyrannie

  1. Sous ce mot, Voltaire avait reproduit, dans ses Questions sur l’Encyclopédie, son opuscule sous le même titre, qui se trouve dans les Mélanges, année 1766. Il avait mis en tête les deux phrases que voici :

    « Il y a des choses qu’il faut sans cesse mettre sous les yeux des hommes. Ayant retrouvé ce morceau, qui intéresse l’humanité entière, nous avons cru que c’était ici sa place, d’autant plus qu’il y a quelques additions. »

    Il y en avait en effet ; et elles font partie de l’article imprimé. (B.)

  2. Ce morceau historique avait été fait pour Mme  du Châtelet. (K.) — Il avait été imprimé dans la Suite des Mélanges (4e partie), 1756. (B.)