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CONSTANTIN.

notre Clodion le Chevelu, il les exposa aux bêtes pour son divertissement, vous pourrez inférer de tout cela, sans craindre de vous tromper, que ce n’était pas l’homme du monde le plus accommodant.

Examinons à présent les principaux événements de son règne. Son père Constance Chlore était au fond de l’Angleterre, où il avait pris pour quelques mois le titre d’empereur. Constantin était à Nicomédie, auprès de l’empereur Galère ; il lui demanda la permission d’aller trouver son père, qui était malade ; Galère n’en fit aucune difficulté : Constantin partit avec les relais de l’empire qu’on appelait veredarii. On pourrait dire qu’il était aussi dangereux d’être cheval de poste que d’être de la famille de Constantin, car il faisait couper les jarrets à tous les chevaux après s’en être servi, de peur que Galère ne révoquât sa permission, et ne le fit revenir à Nicomédie. Il trouva son père mourant, et se fit reconnaître empereur par le petit nombre de troupes romaines qui étaient alors en Angleterre.

Une élection d’un empereur romain faite à York par cinq ou six mille hommes ne devait guère paraître légitime à Rome : il y manquait au moins la formule du senatus populusque romanus. Le sénat, le peuple et les gardes prétoriennes, élurent d’un consentement unanime Maxence, fils du césar Maximien Hercule, déjà césar lui-même, et frère de cette Fausta que Constantin avait épousée, et qu’il fit depuis étouffer. Ce Maxence est appelé tyran, usurpateur, par nos historiens, qui sont toujours pour les gens heureux. Il était le protecteur de la religion païenne contre Constantin, qui déjà commençait à se déclarer pour les chrétiens. Païen et vaincu, il fallait bien qu’il fût un homme abominable.

Eusèbe nous dit que Constantin, en allant à Rome combattre Maxence, vit dans les nuées, aussi bien que toute son armée, la grande enseigne des empereurs nommée le Labarum, surmontée d’un P latin, ou d’un grand R grec, avec une croix en sautoir, et deux mots grecs qui signifiaient : Tu vaincras par ceci. Quelques auteurs prétendent que ce signe lui apparut à Besançon, d’autres disent à Cologne, quelques-uns à Trêves, d’autres à Troyes. Il est étrange que le ciel se soit expliqué en grec dans tout ces pays-là. Il eût paru plus naturel aux faibles lumières des hommes que ce signe eût paru en Italie le jour de la bataille ; mais alors il eût fallu que l’inscription eût été en latin. Un savant antiquaire, nommé Loisel, a réfuté cette antiquité ; mais on l’a traité de scélérat.

On pourrait cependant considérer que cette guerre n’était pas