On dit proverbialement : « manger son blé en herbe ; être pris comme dans un blé ; crier famine sur un tas de blé. » Mais de tous les proverbes que cette production de la nature et de nos soins a fournis, il n’en est point qui mérite plus l’attention des législateurs que celui-ci :
« Ne nous remets pas au gland quand nous avons du blé. »
Cela signifie une infinité de bonnes choses, comme par exemple :
Ne nous gouverne pas dans le XVIIe siècle comme on gouvernait du temps d’Albouin, de Gondebald, de Clodivick, nommé en latin Clodovæus ;
Ne parle plus des lois de Dagobert, quand nous avons les œuvres du chancelier d’Aguesseau, les discours de MM. les gens du roi, Montclar, Servan, Castillon, La Chalotais, Dupaty, etc. ;
Ne nous cite plus les miracles de saint Amable, dont les gants et le chapeau furent portés en l’air pendant tout le voyage qu’il fit à pied du fond de l’Auvergne à Rome ;
Laisse pourrir tous les livres remplis de pareilles inepties, songe dans quel siècle nous vivons ;
Si jamais on assassine à coups de pistolet un maréchal d’Ancre, ne fais point brûler sa femme en qualité de sorcière, sous prétexte que son médecin italien lui a ordonné de prendre du bouillon fait avec un coq blanc, tué au clair de la lune, pour la guérison de ses vapeurs ;
Distingue toujours les honnêtes gens, qui pensent, de la populace, qui n’est pas faite pour penser ;
Si l’usage t’oblige à faire une cérémonie ridicule en faveur de cette canaille, et si en chemin tu rencontres quelques gens d’esprit, avertis-les par un signe de tête, par un coup d’œil, que tu penses comme eux, mais qu’il ne faut pas rire ;
Affaiblis peu à peu toutes les superstitions anciennes, et n’en introduis aucune nouvelle ;
Les lois doivent être pour tout le monde ; mais laisse chacun suivre ou rejeter à son gré ce qui ne peut être fondé que sur un usage indifférent ;
- ↑ Voyez la note de la page 5.