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CONTRADICTIONS.

en sang, et que les magiciens de Pharaon firent ensuite le même prodige, sans que l’Exode mette aucun intervalle entre le miracle de Moïse et l’opération magique des enchanteurs.

Il paraît d’abord impossible que ces magiciens changent en sang ce qui est déjà devenu sang ; mais cette difficulté peut se lever en supposant que Moïse avait laissé les eaux reprendre leur première nature, pour donner au pharaon le temps de rentrer en lui-même. Cette supposition est d’autant plus plausible que, si le texte ne la favorise pas expressément, il ne lui est pas contraire.

Les mêmes incrédules demandent comment tous les chevaux ayant été tués par la grêle dans la sixième plaie, Pharaon put poursuivre la nation juive avec de la cavalerie ? Mais cette contradiction n’est pas même apparente, puisque la grêle, qui tua tous les chevaux qui étaient aux champs, ne put tomber sur ceux qui étaient dans les écuries.

Une des plus fortes contradictions qu’on ait cru trouver dans l’histoire des Rois est la disette totale d’armes offensives et défensives chez les Juifs à l’avénement de Saül, comparée avec l’armée de trois cent trente mille combattants que Saül conduit contre les Ammonites, qui assiégeaient Jabès en Galaad.

Il est rapporté en effet qu’alors[1], et même après cette bataille, il n’y avait pas une lance, pas une seule épée chez tout le peuple hébreu ; que les Philistins empêchaient les Hébreux de forger des épées et des lances ; que les Hébreux étaient obligés d’aller chez les Philistins pour faire aiguiser le soc de leurs charrues[2], leurs hoyaux, leurs cognées, et leurs serpettes.

Cet aveu semble prouver que les Hébreux étaient en très-petit nombre, et que les Philistins étaient une nation puissante, victorieuse, qui tenait les Israélites sous le joug, et qui les traitait en esclaves ; qu’enfin il n’était pas possible que Saül eût assemblé trois cent trente mille combattants, etc.

Le révérend père dom Calmet dit[3] « qu’il est croyable qu’il y a un peu d’exagération dans ce qui est dit ici de Saül et de Jonathas » ; mais ce savant homme oublie que les autres commentateurs attribuent les premières victoires de Saül et de Jonathas à un de ces miracles évidents que Dieu daigna faire si souvent en faveur de son pauvre peuple. Jonathas, avec son seul écuyer, tua

  1. I. Rois, chapitre xiii, v. 22. (Note de Voltaire.)
  2. Chapitre xiii, v. 19, 20 et 21. (Id.)
  3. Note de dom Calmet sur le verset 19. (Id.)