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CORPS.

sions, et attirèrent le monde à leur préau. Le conseiller au parlement Carré de Montgeron alla présenter au roi un recueil in-4o de tous ces miracles, attestés par mille témoins. Il fut mis, comme de raison, dans un château, où l’on tâcha de rétablir son cerveau par le régime ; mais la vérité l’emporte toujours sur les persécutions : les miracles se perpétuèrent trente ans de suite, sans discontinuer. On faisait venir chez soi sœur Rose, sœur Illuminée, sœur Promise, sœur Confite : elles se faisaient fouetter, sans qu’il y parût le lendemain ; on leur donnait des coups de huche sur leur estomac bien cuirassé, bien rembourré, sans leur faire de mal ; on les couchait devant un grand feu, le visage frotté de pommade, sans qu’elles brûlassent ; enfin, comme tous les arts se perfectionnent, on a fini par leur enfoncer des épées dans les chairs, et par les crucifier.[1] Un fameux maître d’école[2] même a eu aussi l’avantage d’être mis en croix : tout cela pour convaincre le monde qu’une certaine bulle était ridicule, ce qu’on aurait pu prouver sans tant de frais. Cependant, et jésuites et jansénistes se réunirent tous contre l’Esprit des lois, et contre... et contre... et contre... et contre... Et nous osons après cela nous moquer des Lapons, des Samoyèdes et des Nègres, ainsi que nous l’avons dit tant de fois !


COQUILLES (DES),


et des systèmes bâtis sur des coquilles[3].



CORPS[4].


Corps et matière, c’est ici même chose, quoiqu’il n’y ait pas de synonyme à la rigueur. Il y a eu des gens qui par ce mot corps ont aussi entendu esprit. Ils ont dit : Esprit signifie originairement souffle, il n’y a qu’un corps qui puisse souffler ; donc esprit et corps pourraient bien au fond être la même chose. C’est dans ce

  1. Voyez Correspondance de Grimm, etc., tome IV, pages 208, 379 et suiv. Édition Maurice Tourneux ; Paris, Garnier frères, 1878.
  2. Abraham Chaumeix se fit mettre en croix, le 2 mars 1749, dans la rue Saint-Denis. Ce fut lui qui dénonça au Parlement l’Encyclopédie ; voyez la note qui le concerne (tome X, page 127).
  3. Cet article se composait des chapitres xii, xiii, xv, xvi, xvii, xviii, des Singularités de la nature. Voyez Mélanges, année 1768. (B.)
  4. Voyez la note de la page suivante.