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DIEU, DIEUX.


Dans le grand nombre de témoignages qui nous restent de cette vérité, je choisirai d’abord celui de Maxime de Tyr, qui florissait sous les Antonins, ces modèles de la vraie piété puisqu’ils l’étaient de l’humanité. Voici ses paroles, dans son discours intitulé De Dieu selon Platon. Le lecteur qui veut s’instruire est prié de les bien peser.

« Les hommes ont eu la faiblesse de donner à Dieu une figure humaine, parce qu’ils n’avaient rien vu au-dessus de l’homme ; mais il est ridicule de s’imaginer, avec Homère, que Jupiter ou la suprême divinité a les sourcils noirs et les cheveux d’or, et qu’il ne peut les secouer sans ébranler le ciel.

« Quand on interroge les hommes sur la nature de la Divinité, toutes leurs réponses sont différentes. Cependant, au milieu de cette prodigieuse variété d’opinions, vous trouverez un même sentiment par toute la terre, c’est qu’il n’y a qu’un seul Dieu, qui est le père de tous, etc. »

Que deviendront, après cet aveu formel et après les discours immortels des Cicéron, des Antonins, des Épictète ; que deviendront, dis-je, les déclamations que tant de pédants ignorants répètent encore aujourd’hui ? À quoi serviront ces éternels reproches d’un polythéisme grossier et d’une idolâtrie puérile, qu’à nous convaincre que ceux qui les font n’ont pas la plus légère connaissance de la saine antiquité ? Ils ont pris les rêveries d’Homère pour la doctrine des sages.

Faut-il un témoignage encore plus fort et plus expressif ? vous le trouverez dans la lettre de Maxime de Madaure à saint Augustin ; tous deux étaient philosophes et orateurs, du moins ils s’en piquaient : ils s’écrivaient librement ; ils étaient amis autant que peuvent l’être un homme de l’ancienne religion et un de la nouvelle.

Lisez la lettre de Maxime de Madaure, et la réponse de l’évêque d’Hippone.


Lettre de Maxime de Madaure[1].


« Or, qu’il y ait un Dieu souverain qui soit sans commencement, et qui, sans avoir rien engendré de semblable à lui, soit néanmoins le père commun de toutes choses, qui est-ce qui est assez stupide et assez grossier pour en douter ?

  1. Voltaire a déjà cité cette lettre dans sa Notice sur Maxime de Madaure, en tête de Sophronime et Adelos (voyez les Mélanges, année 1766).