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DIEU, DIEUX.

C’était Jow, Jovis, chez les premiers Romains ; Zeus, chez les Grecs ; Jehova, chez les Phéniciens, les Syriens, les Égyptiens.

Cette ressemblance ne paraît-elle pas servir à confirmer que tous ces peuples avaient la connaissance de l’Être suprême ? connaissance confuse, à la vérité ; mais quel homme peut l’avoir distincte ?


SECTION III[1].


Examen de Spinosa[2].


Spinosa ne peut s’empêcher d’admettre une intelligence agissante dans la matière, et faisant un tout avec elle.

« Je dois conclure, dit-il[3], que l’Être absolu n’est ni pensée ni étendue, exclusivement l’un de l’autre, mais que l’étendue et la pensée sont les attributs nécessaires de l’Être absolu. »

C’est en quoi il paraît différer de tous les athées de l’antiquité, Ocellus Lucanus, Héraclite, Démocrite, Leucippe, Straton, Épicure, Pythagore, Diagore, Zénon d’Élée, Anaximandre, et tant d’autres. Il en diffère surtout par sa méthode, qu’il avait entièrement puisée dans la lecture de Descartes, dont il a imité jusqu’au style.

Ce qui étonnera surtout la foule de ceux qui crient : Spinosa ! Spinosa ! et qui ne l’ont jamais lu, c’est sa déclaration suivante. Il ne la fait pas pour éblouir les hommes, pour apaiser des théo-

  1. Seconde section de l’article dans les Questions sur l’Encyclopédie, quatrième partie, 1771. (B.)
  2. Baruch Spinosa était né à Amsterdam, en 1632, d’une famille juive originaire de Portugal. La nouveauté de ses idées religieuses lui attira des persécutions, tant de la part des chrétiens que de celle des Israélites. Tous ses biographes, même Bayle, qui le réfute, s’accordent à louer ses lumières, ses connaissances, sa probité et son désintéressement. Il mourut d’une maladie de poitrine, à l’âge de quarante-cinq ans. Deux de ses ouvrages seulement parurent de son vivant, un Examen de la philosophie de Descartes (1663, in-4o), et un Traité théologico-politique (1670, in-4º). La meilleure édition de ses œuvres est celle qu’a donnée le docteur Paulus, en deux volumes in-8º (lena, 1803). (E. B.)

    — Voltaire avait déjà parlé de Spinosa dans la dixième de ses Lettres à Son Altesse le prince de *** (voyez les Mélanges, année 1767). Il en parle encore dans une note des Systèmes, et dans une des Cabales (voyez ces pièces, tome X), et dans une note de la page 98 du présent volume.

  3. Page 13, édition de Poppens. (Note de Voltaire.) — Le texte que cite Voltaire n’est point de Spinosa, mais de Boulainvilliers, qui, en attendant une réfutation de cet auteur, avait fait l’exposé de sa doctrine, qu’il met toutefois dans la bouche de Spinosa, ce qui a pu induire Voltaire en erreur. Le volume qui contient les passages cités par Voltaire porte l’adresse de Bruxelles, chez Fr. Foppens, et est intitulé Réfutation des erreurs de Spinosa, par M. de Fénelon, par le P. Lamy, et par M. le comte de Boulainvilliers, 1731, petit in-12. (B.)