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BRACHMANES, BRAMES.

K, qui veut dire bénir ou bien prier. Mais pourquoi les Biscayens n’auraient-ils pas nommé les brames du mot bran, qui exprimait quelque chose que je ne veux pas dire ? ils y avaient autant de droit que les Hébreux. Voilà une étrange érudition. En la rejetant entièrement on saurait moins et on saurait mieux.

N’est-il pas vraisemblable que les brachmanes sont les premiers législateurs de la terre, les premiers philosophes, les premiers théologiens ?

Le peu de monuments qui nous restent de l’ancienne histoire ne forment-ils pas une grande présomption en leur faveur, puisque les premiers philosophes grecs allèrent apprendre chez eux les mathématiques, et que les curiosités les plus antiques, recueillies par les empereurs de la Chine, sont toutes indiennes, ainsi que les relations l’attestent dans la collection de Duhalde ?

Nous parlerons ailleurs du Shasta[1] ; c’est le premier livre de théologie des brachmanes, écrit environ quinze cents ans avant leur Veidam, et antérieur à tous les autres livres.

Leurs annales ne font mention d’aucune guerre entreprise par eux en aucun temps. Les mots d’armes, de tuer, de mutiler, ne se trouvent ni dans les fragments du Shasta, que nous avons, ni dans l’Ézour-Veidam, ni dans le Cormo-Veidam. Je puis du moins assurer que je ne les ai point vus dans ces deux derniers recueils ; et ce qu’il y a de plus singulier, c’est que le Shasta, qui parle d’une conspiration dans le ciel, ne fait mention d’aucune guerre dans la grande presqu’île enfermée entre l’Indus et le Gange.

Les Hébreux, qui furent connus si tard, ne nomment jamais les brachmanes ; ils ne connurent l’Inde qu’après les conquêtes d’Alexandre, et leurs établissements dans l’Égypte, de laquelle ils avaient dit tant de mal. On ne trouve le nom de l’Inde que dans le livre d’Esther, et dans celui de Job, qui n’était pas Hébreu[2]. On voit un singulier contraste entre les livres sacrés des Hébreux et ceux des Indiens. Les livres indiens n’annoncent que la paix et la douceur ; ils défendent de tuer les animaux : les livres hébreux ne parlent que de tuer, de massacrer hommes et bêtes ; on y égorge tout au nom du Seigneur ; c’est tout un autre ordre de choses.

C’est incontestablement des brachmanes que nous tenons

  1. Voltaire en a déjà parlé aux articles Ange, section ire, et Bibliothèque. Il en parle dans plusieurs autres ouvrages : voyez tome XI, pages 51 et 183 ; et dans les Mélanges, année 1776 ; la neuvième des Lettres chinoises, indiennes, etc.
  2. Voyez Job. (Note de Voltaire.)