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DROIT.


DROIT[1].


Droit des gens, droit naturel.


SECTION PREMIÈRE.


Je ne connais rien de mieux sur ce sujet que ces vers de l’Arioste, au chant XLIV (st. 2 ) :

Fan lega oggi re, papi e imperatori,
Doman saran nimici capitali :
Perchè, qual l’apparenze esteriori,
Non hanno i cor, non han gli animi tali,
Che, non mirando al torto più che al dritto,
Attendon solamente al lor profitto.

Rois, empereurs, et successeurs de Pierre,
Au nom de Dieu signent un beau traité :
Le lendemain ces gens se font la guerre.
Pourquoi cela? C’est que la piété,
La bonne foi, ne les tourmentent guère,
Et que, malgré saint Jacque et saint Matthieu,
Leur intérêt est leur unique dieu.

S’il n’y avait que deux hommes sur la terre, comment vivraient-ils ensemble ? ils s’aideraient, se nuiraient, se caresseraient, se diraient des injures, se battraient, se réconcilieraient, ne pourraient vivre l’un sans l’autre, ni l’un avec l’autre. Ils feraient comme tous les hommes font aujourd’hui. Ils ont le don du raisonnement ; oui, mais ils ont aussi le don de l’instinct, et ils sentiront, et ils raisonneront, et ils agiront toujours comme ils y sont destinés par la nature.

Un Dieu n’est pas venu sur notre globe pour assembler le genre humain et pour lui dire : « J’ordonne aux Nègres et aux Cafres d’aller tout nus, et de manger des insectes.

« J’ordonne aux Samoyèdes de se vêtir de peaux de rangifères, et d’en manger la chair, tout insipide qu’elle est, avec du poisson séché et puant, le tout sans sel. Les Tartares du Thibet croiront tout ce que leur dira le dalaï-lama ; et les Japonais croiront tout ce que leur dira le daïri.

  1. Les deux sections qui forment cet article étaient dans les Questions sur l’Encyclopédie, quatrième partie, 1771. (B.)