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BRACHMANES, BRAMES.

d’une femme qui a dix bras, et qui combat dix péchés mortels figurés par des monstres. Nos missionnaires n’ont pas manqué de prendre cette image de la vertu pour celle du diable, et d’assurer que le diable est adoré dans l’Inde. Nous n’avons jamais été chez ces peuples que pour nous y enrichir, et pour les calomnier.


DE LA MÉTEMPSYCOSE DES BRACHMANES.


La doctrine de la métempsycose vient d’une ancienne loi de se nourrir de lait de vache ainsi que de légumes, de fruits et de riz. Il parut horrible aux brachmanes de tuer et de manger sa nourrice : on eut bientôt le même respect pour les chèvres, les brebis, et pour tous les autres animaux ; ils les crurent animés par ces anges rebelles qui achevaient de se purifier de leurs fautes dans les corps des bêtes, ainsi que dans ceux des hommes. La nature du climat seconda cette loi, ou plutôt en fut l’origine : une atmosphère brûlante exige une nourriture rafraîchissante, et inspire de l’horreur pour notre coutume d’engloutir des cadavres dans nos entrailles.

L’opinion que les bêtes ont une âme fut générale dans tout l’Orient, et nous en trouvons des vestiges dans les anciens livres sacrés. Dieu, dans la Genèse[1], défend aux hommes de manger leur chair avec leur sang et leur âme. C’est ce que porte le texte hébreu. « Je vengerai, dit-il[2], le sang de vos âmes de la griffe des bêtes et de la main des hommes. » Il dit dans le Lévitique[3] : « L’âme de la chair est dans le sang. » Il fait plus ; il fait un pacte solennel avec les hommes et avec tous les animaux[4], ce qui suppose dans les animaux une intelligence.

Dans des temps très-postérieurs, l’Ecclésiaste dit formellement[5] : « Dieu fait voir que l’homme est semblable aux bêtes : car les hommes meurent comme les bêtes, leur condition est égale ; comme l’homme meurt, la bête meurt aussi. Les uns et les autres respirent de même : l’homme n’a rien de plus que la bête. »

Jonas, quand il va prêcher à Ninive, fait jeûner les hommes et les bêtes.

Tous les auteurs anciens attribuent de la connaissance aux

  1. Genèse, chapitre ix, v. 4. (Note de Voltaire.)
  2. Genèse, chapitre ix, v. 5. (Id.)
  3. Lévitique, chapitre xvii, v. 14. (Id.)
  4. Genèse, chapitre ix, v. 10. (Id.)
  5. Ecclésiaste, chapitre iii, v. 19. (Id.)