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ÉGLISE.


L’esclavage de cette Église est égal à son ignorance, mais les Grecs n’ont que ce qu’ils ont mérité ; ils ne s’occupaient que de leurs disputes sur la lumière du Thabor et sur celle de leur nombril, lorsque Constantinople fut prise.

On espère qu’au moment où nous écrivons ces douloureuses vérités, l’impératrice de Russie Catherine II rendra aux Grecs leur liberté. On souhaite qu’elle puisse leur rendre le courage et l’esprit qu’ils avaient du temps de Miltiade, de Thémistocle, et qu’ils aient de bons soldats et moins de moines au mont Athos[1].


DE LA PRÉSENTE ÉGLISE GRECQUE.


Si quelque chose peut nous donner une grande idée des mahométans, c’est la liberté qu’ils ont laissée à l’Église grecque. Ils ont paru dignes de leurs conquêtes, puisqu’ils n’en ont point abusé. Mais il faut avouer que les Grecs n’ont pas trop mérité la protection que les musulmans leur accordent ; voici ce qu’en dit M. Porter, ambassadeur d’Angleterre en Turquie :

« Je voudrais tirer le rideau sur ces disputes scandaleuses des Grecs et des Romains au sujet de Bethléem et de la Terre-Sainte, comme ils l’appellent. Les procédés iniques, odieux, qu’elles occasionnent entre eux font la honte du nom chrétien. Au milieu de ces débats, l’ambassadeur chargé de protéger la communion romaine, malgré sa dignité éminente, devient véritablement un objet de compassion.

« Il se lève dans tous les pays de la croyance romaine des sommes immenses pour soutenir contre les Grecs des prétentions équivoques à la possession précaire d’un coin de terre réputée sacrée, et pour conserver entre les mains des moines de leur communion les restes d’une vieille étable à Bethléem, où l’on a érigé une chapelle, et où, sur l’autorité incertaine d’une tradition orale, on prétend que naquit le Christ ; de même qu’un tombeau,

  1. Cet article parut en 1771, dans les Questions sur l’Encyclopédie. Catherine faisait alors la guerre aux Turcs, et Voltaire lui écrivait, dès le 22 décembre 1770 : «... Votre Majesté aurait peut-être le temps de s’amuser d’une espèce de petite Encyclopédie nouvelle, qui paraît devers le mont Jura. Il y est parlé de votre très-admirable personne dès la page 17 du Ier tome, à propos de l’alphabet. Il faut que l’auteur soit bien plein de vous, puisqu’il vous met partout où il peut. Je ne sais pas quel est cet auteur, mais sans doute c’est un homme à qui vous avez marqué de la bonté, et qui doit parler de Votre Majesté au mot Reconnaissance. Il y a, dit-on, en France, des gens qui trouvent cela mauvais... » Et, le 6 mai 1771 : « Je mets à vos pieds le IVe et le Ve tome des Questions sur l’Encyclopédie : je ne puis m’empêcher de parler de temps en temps de mon gros Moustapha... etc. »