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ÉLOQUENCE.


Il y avait une ancienne tradition en Phrygie sur un certain Anach, dont on disait que les Hébreux avaient fait Énoch. Les Phrygiens tenaient cette tradition des Chaldéens ou Babyloniens, qui reconnaissaient aussi un Énoch, ou Anach, pour inventeur de l’astronomie.

On pleurait Énoch un jour de l’année en Phrygie, comme on pleurait Adoni, ou Adonis, chez les Phéniciens.

L’écrivain ingénieux et profond qui croit Élie un personnage purement allégorique pense la même chose d’Énoch. Il croit qu’Énoch, Anach, Annoch, signifiait l’année ; que les Orientaux le pleuraient ainsi qu’Adonis, et qu’ils se réjouissaient au commencement de l’année nouvelle ;

Que le Janus connu ensuite en Italie était l’ancien Anach, ou Annoch, de l’Asie ;

Que non-seulement Énoch signifiait autrefois chez tous ces peuples le commencement et la fin de l’an, mais le dernier jour de la semaine ;

Que les noms d’Anne, de Jean, de Januarius, Janvier, ne sont venus que de cette source.

Il est difficile de pénétrer dans les profondeurs de l’histoire ancienne. Quand on y saisirait la vérité à tâtons, on ne serait jamais sûr de la tenir. Il faut absolument qu’un chrétien s’en tienne à l’Écriture, quelque difficulté qu’on trouve à l’entendre.


ÉLOQUENCE[1].


(Cet article a paru dans le grand Dictionnaire encyclopédique. Il y a dans celui-ci des additions, et, ce qui vaut bien mieux, des retranchements.)


L’éloquence est née avant les règles de la rhétorique, comme les langues se sont formées avant la grammaire. La nature rend

  1. Cet article avait été imprimé, en 1753, dans le tome V de l’Encyclopédie. La petite note qui suit l’intitulé fut ajoutée par Voltaire en 1771, lorsqu’il reproduisit ce morceau dans la cinquième partie des Questions sur l’Encyclopédie. Les éditeurs de l’Encyclopédie avaient, en 1755, fait précéder l’article de Voltaire des phrases qui suivent : « L’article suivant nous a été envoyé par M. de Voltaire, qui, en contribuant par son travail à la perfection de l’Encyclopédie, veut bien donner à tous les gens de lettres citoyens l’exemple du véritable intérêt qu’ils doivent prendre à cet ouvrage. Dans la lettre qu’il nous a fait l’honneur de nous écrire à ce sujet, il a la modestie de ne donner cet article que comme une simple esquisse ; mais ce qui n’est regardé que comme une esquisse par un grand maître est un tableau précieux pour les autres. Nous exposons donc au public cet excellent morceau tel que nous l’avons reçu de son illustre auteur. Y pourrions-nous toucher sans lui faire tort ? » La lettre de Voltaire dont il est question dans cette note paraît être perdue. (B.)