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ÉPOPÉE.

Prométhée autrefois pénétra dans les cieux.
Il prit le feu sacré, qui n’appartient qu’aux dieux.
Il en fit part à l’homme ; et la race mortelle
De l’esprit qui meut tout obtint quelque étincelle.
« Perfide ! s’écria Jupiter irrité,
Ils seront tous punis de ta témérité. »
Il appela Vulcain ; Vulcain créa Pandore.

De toutes les beautés qu’en Vénus on adore
Il orna mollement ses membres délicats ;
Les Amours, les Désirs, forment ses premiers pas.
Les trois Grâces et Flore arrangent sa coiffure,
Et mieux qu’elles encore elle entend la parure.
Minerve lui donna l’art de persuader ;
La superbe Junon celui de commander.
Du dangereux Mercure elle apprit à séduire,
À trahir ses amants, à cabaler, à nuire ;
Et par son écolière il se vit surpassé.

Ce chef-d’œuvre fatal aux mortels fut laissé ;
De Dieu sur les humains tel fut l’arrêt suprême :
Voilà votre supplice, et j’ordonne qu’on l’aime[1].

Il envoie à Pandore un écrin précieux ;
Sa forme et son éclat éblouissent les yeux.
Quels biens doit renfermer cette boîte si belle !
De la bonté des Dieux c’est un gage fidèle ;
C’est là qu’est renfermé le sort du genre humain.
Nous serons tous des dieux... Elle l’ouvre ; et soudain
Tous les fléaux ensemble inondent la nature.
Hélas ! avant ce temps, dans une vie obscure,
Les mortels moins instruits étaient moins malheureux ;
Le vice et la douleur n’osaient approcher d’eux ;
La pauvreté, les soins, la peur, la maladie,
Ne précipitaient point le terme de leur vie.
Tous les cœurs étaient purs, et tous les jours sereins, etc.
Si Hésiode avait toujours écrit ainsi, qu’il serait supérieur à
Homère !

Ensuite Hésiode décrit les quatre âges fameux, dont il est le premier qui ait parlé (du moins parmi les anciens auteurs qui nous restent). Le premier âge est celui qui précéda Pandore,

  1. On a placé ici ces vers d’Hésiode, qui sont dans le texte avant la création de Pandore. (Note de Voltaire.)