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ÉPOPÉE.

vous-même le conseil que vous donnez aux autres. C’est bien aussi mon dessein à présent que la raison m’éclaire ; je songe à m’affranchir d’un joug qui me pèse, et j’espère que j’y parviendrai. Il est pourtant vrai que le mal étant fort enraciné, il me faudra pour en guérir beaucoup plus de temps que je ne voudrais. » Je crois reconnaître davantage l’esprit de l’Arioste dans cette imitation faite par un auteur inconnu[1] :

Qui dans la glu du tendre amour s’empêtre,
De s’en tirer n’est pas longtemps le maître ;
On s’y démène, on y perd son bon sens ;
Témoin Roland et d’autres personnages,
Tous gens de bien, mais fort extravagants :
Ils sont tous fous ; ainsi l’ont dit les sages.

Cette folie a différents effets ;
Ainsi qu’on voit dans de vastes forêts,
À droite, à gauche, errer à l’aventure
Des pèlerins au gré de leur monture ;
Leur grand plaisir est de se fourvoyer,
Et pour leur bien je voudrais les lier.

À ce propos quelqu’un me dira : Frère,
C’est bien prêché ; mais il fallait te taire.
Corrige-toi sans sermonner les gens.
Oui, mes amis ; oui, je suis très-coupable,
Et j’en conviens quand j’ai de bons moments ;
Je prétends bien changer avec le temps,
Mais jusqu’ici le mal est incurable.

Quand je dis que l’Arioste égale Homère dans la description des combats, je n’en veux pour preuve que ces vers :

. . . . . . . . . . . . . . .

Suona i’un brando e l’altro, or basso or alto :

Il martel di Vulcano era più tardo
Nella spelonca affumicata, dove
Battea all’incude i folgori di Giove.

(Cant. II, st. 8.)

Aspro concento, orribile armoria
D’alte querele, d’ululi e di stria
Della misera gente, che peria
Nel fondo, per cagion della sua guida,

  1. Voltaire lui-même.