depuis racheté à prix d’argent. Les Turcs n’ont plus guère d’esclaves pour le service intérieur des maisons que ceux qu’ils achètent des Circassiens, des Mingréliens et des Petits-Tartares.
Entre les Africains musulmans et les Européans chrétiens, la coutume de piller, de faire esclave tout ce qu’on rencontre sur mer a toujours subsisté. Ce sont des oiseaux de proie qui fondent les uns sur les autres. Algériens, Marocains, Tunisiens, vivent de piraterie. Les religieux de Malte, successeurs des religieux de Rhodes, jurent de piller et d’enchaîner tout ce qu’ils trouveront de musulmans. Les galères du pape vont prendre des Algériens, ou sont prises sur les côtes septentrionales d’Afrique. Ceux qui se disent blancs vont acheter des nègres à bon marché, pour les revendre cher en Amérique. Les Pensylvaniens seuls ont renoncé depuis peu solennellement à ce trafic, qui leur a paru malhonnête.
J’ai lu depuis peu au mont Krapack, où l’on sait que je demeure, un livre fait à Paris, plein d’esprit, de paradoxes, de vues et de courage, tel à quelques égards que ceux de Montesquieu, et écrit contre Montesquieu[2]. Dans ce livre on préfère hautement l’esclavage à la domesticité, et surtout à l’état libre de manœuvre. On y plaint le sort de ces malheureux hommes libres, qui peuvent gagner leur vie où ils veulent, par le travail pour lequel l’homme est né, et qui est le gardien de l’innocence comme le consolateur de la vie. Personne, dit l’auteur, n’est chargé de les nourrir, de les secourir ; au lieu que les esclaves étaient nourris et soignés par leurs maîtres ainsi que leurs chevaux. Cela est vrai ; mais l’espèce humaine aime mieux se pourvoir que dépendre ; et les chevaux nés dans les forêts les préfèrent aux écuries.
Il remarque avec raison que les ouvriers perdent beaucoup de journées, dans lesquelles il leur est défendu de gagner leur vie ; mais ce n’est point parce qu’ils sont libres, c’est parce que nous avons quelques lois ridicules et beaucoup trop de fêtes.
Il dit très-justement que ce n’est pas la charité chrétienne qui a brisé les chaînes de la servitude, puisque cette charité les a resserrées pendant plus de douze siècles[3] ; et il pouvait encore