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CATÉCHISME CHINOIS.

autre chose que l’air, et cet air est composé de toutes les exhalaisons de la terre : ce serait une folie bien absurde d’adorer des vapeurs.

KOU.

Je n’en serais pourtant pas surpris. Il me semble que les hommes ont fait des folies encore plus grandes.

CU-SU.

Il est vrai ; mais vous êtes destiné à gouverner ; vous devez être sage.

KOU.

Il y a tant de peuples qui adorent le ciel et les planètes ?

CU-SU.

Les planètes ne sont que des terres comme la nôtre. La lune, par exemple, ferait aussi bien d’adorer notre sable et notre boue, que nous de nous mettre à genoux devant la sable et la boue de la lune.

KOU.

Que prétend-on quand on dit : le ciel et la terre, monter au ciel, être digne du ciel ?

CU-SU.

On dit une énorme sottise, il n’y a point de ciel ; chaque planète est entourée de son atmosphère, comme d’une coque, et roule dans l’espace autour de son soleil. Chaque soleil est le centre de plusieurs planètes qui voyagent continuellement autour de lui : il n’y a ni haut, ni bas, ni montée, ni descente. Vous sentez que si les habitants de la lune disaient qu’on monte à la terre, qu’il faut se rendre digne de la terre, ils diraient une extravagance. Nous prononçons de même un mot qui n’a pas de sens, quand nous disons qu’il faut se rendre digne du ciel ; c’est comme si nous disions : Il faut se rendre digne de l’air, digne de la constellation du dragon, digne de l’espace.

KOU.

Je crois vous comprendre ; il ne faut adorer que le Dieu qui a fait le ciel et la terre.

CU-SU.

Sans doute ; il faut n’adorer que Dieu. Mais quand nous disons qu’il a fait le ciel et la terre, nous disons pieusement une grande pauvreté. Car, si nous entendons par le ciel l’espace prodigieux dans lequel Dieu alluma tant de soleils, et fit tourner tant de mondes, il est beaucoup plus ridicule de dire le ciel et la terre que de dire les montagnes et un grain de sable. Notre globe est infiniment moins qu’un grain de sable en comparaison de ces mil-