Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome18.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
63
CATÉCHISME CHINOIS.

ner, et il est donc partout ; il existe donc dans toute la matière, dans toutes les parties de moi-même ?

CU-SU.

Pourquoi non ?

KOU.

Je serais donc moi-même une partie de la Divinité ?

CU-SU.

Ce n’est peut-être pas une conséquence. Ce morceau de verre est pénétré de toutes parts de la lumière ; est-il lumière cependant lui-même ? ce n’est que du sable, et rien de plus. Tout est en Dieu, sans doute ; ce qui anime tout doit être partout. Dieu n’est pas comme l’empereur de la Chine, qui habite son palais, et qui envoie ses ordres par des colaos. Dès là qu’il existe, il est nécessaire que son existence remplisse tout l’espace et tous ses ouvrages ; et puisqu’il est dans vous, c’est un avertissement continuel de ne rien faire dont vous puissiez rougir devant lui.

KOU.

Que faut-il faire pour oser ainsi se regarder soi-même sans répugnance et sans honte devant l’Être suprême ?

CU-SU.

Être juste.

KOU.

Et quoi encore ?

CU-SU.

Être juste.

KOU.

Mais la secte de Laokium dit qu’il n’y a ni juste ni injuste, ni vice ni vertu.

CU-SU.

La secte de Laokium dit-elle qu’il n’y a ni santé ni maladie ?

KOU.

Non, elle ne dit point une si grande erreur.

CU-SU.

L’erreur de penser qu’il n’y a ni santé de l’âme ni maladie de l’âme, ni vertu ni vice, est aussi grande et plus funeste. Ceux qui ont dit que tout est égal sont des monstres : est-il égal de nourrir son fils ou de l’écraser sur la pierre, de secourir sa mère ou de lui plonger un poignard dans le cœur ?

KOU.

Vous me faites frémir ; je déteste la secte de Laokium ; mais il y a tant de nuances du juste et de l’injuste ! on est souvent bien incertain. Quel homme sait précisément ce qui est permis ou ce