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FOI.

la foi ne sont point les objets de l’entendement. On ne peut croire que ce qui paraît vrai ; rien ne peut paraître vrai que par l’une de ces trois manières, ou par l’intuition, le sentiment : j’existe, je vois le soleil ; ou par des probabilités accumulées qui tiennent lieu de certitude : il y a une ville nommée Constantinople ; ou par voie de démonstration : les triangles ayant même base et même hauteur sont égaux.

La foi, n’étant rien de tout cela, ne peut donc pas plus être une croyance, une persuasion, qu’elle ne peut être jaune ou rouge. Elle ne peut donc être qu’un anéantissement de la raison, un silence d’adoration devant des choses incompréhensibles. Ainsi, en parlant philosophiquement, personne ne croit la Trinité, personne ne croit que le même corps puisse être en mille endroits à la fois ; et celui qui dit : Je crois ces mystères, s’il réfléchit sur sa pensée, verra, à n’en pouvoir douter, que ces mots veulent dire : Je respecte ces mystères ; je me soumets à ceux qui me les annoncent ; car ils conviennent avec moi que ma raison ni la leur ne les croit pas ; or il est clair que quand ma raison n’est pas persuadée, je ne le suis pas : ma raison et moi ne peuvent être deux êtres différents. Il est absolument contradictoire que le moi trouve vrai ce que l’entendement de moi trouve faux. La foi n’est donc qu’une incrédulité soumise.

Mais pourquoi cette soumission dans la révolte invincible de mon entendement ? on le sait assez : c’est parce qu’on a persuadé à mon entendement que les mystères de ma foi sont proposés par Dieu même. Alors tout ce que je puis faire, en qualité d’être raisonnable, c’est de me taire et d’adorer. C’est ce que les théologiens appellent foi externe, et cette foi externe n’est et ne peut être que le respect pour des choses incompréhensibles, en vertu de la confiance qu’on a dans ceux qui les enseignent.

Si Dieu lui-même me disait : La pensée est couleur d’olive, un nombre carré est amer ; je n’entendrais certainement rien du tout à ces paroles ; je ne pourrais les adopter, ni comme vraies, ni comme fausses. Mais je les répéterai s’il me l’ordonne, je les ferai répéter au péril de ma vie. Voilà la foi, ce n’est que l’obéissance.

Pour fonder cette obéissance, il ne s’agit donc que d’examiner les livres qui la demandent ; notre entendement doit donc examiner les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament comme il discute Plutarque et Tite-Live ; et s’il voit dans ces livres des preuves incontestables, des preuves au-dessus de toute objection, sensibles à toutes sortes d’esprits, et reçues de toute la terre, que