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FONTE.

M. Guénée, ancien professeur du collége du Plessis, qui en sait sans doute plus que M. Pigalle sur l’art de jeter des figures en fonte, a écrit contre ces vérités dans un livre intitulé Lettres de quelques Juifs portugais et allemands, avec des réflexions critiques, et un petit commentaire extrait d’un plus grand. À Paris, chez Laurent Prault, 1769, avec approbation et privilége du roi.

Ces lettres ont été écrites sous le nom de messieurs les Juifs Joseph Ben Jonathan, Aaron Mathataï, et David Winker.

Ce professeur, secrétaire des trois Juifs, dit dans sa Lettre seconde : « Entrez seulement, monsieur, chez le premier fondeur ; je vous réponds que si vous lui fournissez les matières dont il pourrait avoir besoin, que vous le pressiez et que vous le payiez bien, il vous fera un pareil ouvrage en moins d’une semaine. Nous n’avons pas cherché longtemps, et nous en avons trouvé deux qui ne demandaient que trois jours. Il y a déjà loin de trois jours à trois mois, et nous ne doutons pas que si vous cherchez bien, vous pourrez en trouver qui le feront encore plus promptement. »

M. le professeur secrétaire des Juifs n’a consulté apparemment que des fondeurs d’assiettes d’étain, ou d’autres petits ouvrages qui se jettent en sable. S’il s’était adressé à M. Pigalle ou à M. Lemoine, il aurait un peu changé d’avis.

C’est avec la même connaissance des arts que ce monsieur prétend que de réduire l’or en poudre en le brûlant, pour le rendre potable, et le faire avaler à toute une nation, est la chose du monde la plus aisée et la plus ordinaire en chimie. Voici comme il s’exprime :

« Cette possibilité de rendre l’or potable a été répétée cent fois depuis Stahl et Sénac, dans les ouvrages et dans les leçons de vos plus célèbres chimistes, d’un Baron, d’un Macquer, etc. ; tous sont d’accord sur ce point. Nous n’avons actuellement sous les yeux que la nouvelle édition de la Chimie de Lefèvre. Il l’enseigne comme tous les autres ; et il ajoute que rien n’est plus certain, et qu’on ne peut plus avoir là-dessus le moindre doute.

« Qu’en pensez-vous, monsieur ? le témoignage de ces habiles gens ne vaut-il pas bien celui de vos critiques ? Et de quoi s’avisent aussi ces incirconcis ? ils ne savent pas de chimie, et ils se mêlent d’en parler ; ils auraient pu s’épargner ce ridicule.

« Mais vous, monsieur, quand vous transcriviez cette futile objection, ignoriez-vous que le dernier chimiste serait en état de la réfuter ? La chimie n’est pas votre fort, on le voit bien : aussi la bile de Rouelle s’échauffe, ses yeux s’allument, et son dépit