force du raisonnement a surtout lieu dans les questions problématiques. La force de l’éloquence n’est pas seulement une suite de raisonnements justes et vigoureux, qui subsisteraient avec la sécheresse ; cette force demande de l’embonpoint, des images frappantes, des termes énergiques. Ainsi on a dit que les sermons de Bourdaloue avaient plus de force, ceux de Massillon plus de grâce. Des vers peuvent avoir de la force, et manquer de toutes les autres beautés. La force d’un vers dans notre langue vient principalement de dire quelque chose dans chaque hémistiche :
Et monté sur le faîte, il aspire à descendre.
L’Éternel est son nom ; le monde est son ouvrage.
Ces deux vers, pleins de force et d’élégance, sont le meilleur modèle de la poésie.
La force, dans la peinture, est l’expression des muscles que des touches ressenties font paraître en action sous la chair qui les couvre. Il y a trop de force quand ces muscles sont trop prononcés. Les attitudes des combattants ont beaucoup de force dans les batailles de Constantin dessinées par Raphaël et par Jules Romain, et dans celles d’Alexandre peintes par Lebrun. La force outrée est dure dans la peinture, ampoulée dans la poésie.
Des philosophes ont prétendu que la force est une qualité inhérente à la matière, que chaque particule invisible, ou plutôt monade, est douée d’une force active ; mais il est aussi difficile de démontrer cette assertion qu’il le serait de prouver que la blancheur est une qualité inhérente à la matière, comme le dit le Dictionnaire de Trévoux à l’article inhérent.
La force de tout animal a reçu son plus haut degré quand l’animal a pris toute sa croissance. Elle décroit quand les muscles ne reçoivent plus une nourriture égale ; et cette nourriture cesse d’être égale quand les esprits animaux n’impriment plus à ces muscles le mouvement accoutumé. Il est si probable que ces esprits animaux sont du feu que les vieillards manquent de mouvement, de force, à mesure qu’ils manquent de chaleur.